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Ma mère la terre - Mon père le ciel

Ma mère la terre - Mon père le ciel

Titel: Ma mère la terre - Mon père le ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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Dans son esprit elle voyait un vent d'orage souffler la flamme spirituelle de tous ceux qu'elle avait connus jusqu'à ce qu'elle fût la dernière lumière vacillante dans le noir.
    Mais Shuganan disait une prière silencieuse d'offrande :
    — S'il te plaît, ma femme, accepte ce cadeau. Toutes les années où tu as pleuré parce que je ne pouvais te donner un fils, j'ai aussi pleuré parce que je ne pouvais te donner une fille. Ce n'était pas ta faute, mais la mienne. J'ai placé tout mon pouvoir à faire des enfants sculptés et je n'étais plus assez fort pour en faire de réels. Si tu as trouvé un jeune chasseur, un homme capable de te donner des enfants à l'endroit où tu es maintenant, va avec lui mais ne m'oublie pas. Je t'offre cet enfant en cadeau. Prends-le comme notre fils. Ne m'oublie pas. Ne m'oublie pas.
    Ils restèrent assis jusqu'à ce que le soleil soit couché et que les étoiles apparaissent à travers les nuages, jusqu'à ce que, dans l'obscurité, Shuganan ne pût voir les larmes sur les joues de Chagak et ne sentît pas les siennes sur son propre visage.
    9
    Pendant deux jours Chagak ne quitta pas l'ulaq de Shuganan. Elle ne mangea pas et Shuganan craignit qu'elle n'ait décidé de rejoindre son frère et son peuple dans la mort.
    Il répara son ik en utilisant du bois sec pour remplacer les montants endommagés et le fond, mais il retourna souvent à l'ulaq, espérant que sa présence apporterait quelque réconfort. Elle ne montra par aucun signe qu'elle le remarquait.
    Au soir du deuxième jour, elle but du bouillon sans paraître prêter attention à ce qu'elle faisait, comme si son corps bougeait sans que son esprit y prît part.
    Mais le matin suivant Shuganan parvint à la convaincre de sortir avec lui et de s'asseoir sur le toit de l'ulaq. Ils étaient donc ensemble quand les canards arrivèrent. C'étaient de grands eiders; les mâles avaient un plumage noir et blanc, celui des femelles était rougeâtre. Une vingtaine d'entre eux s'abattirent sur la plage comme si c'était leur domaine. Jamais Shuganan n'avait assisté à ce spectacle et il ne pouvait l'expliquer.
    — Regarde, dit Chagak, parlant pour la première fois depuis la mort de son frère.
    Et le cœur de Shuganan se gonfla de gratitude tandis qu'il joignait les mains en prière d'action de grâces. Pendant un moment ils regardèrent en silence, mais quand les canards commencèrent à s'ébrouer dans les mares et se mirent à manger, Shuganan descendit dans l'ulaq et revint avec son bola. C'était un instrument fait d'un morceau de cuir et de deux bouts de cordes liés à une poignée centrale avec lesquels on lançait des pierres bien aiguisées.
    Il y avait plus d'un an que Shuganan n'avait pas utilisé cette arme, aussi tira-t-il sur les cordes pour s'assurer qu'elles n'étaient pas abîmées. Elles étaient en bon état. Il essaya de soulever le bola au-dessus de sa tête mais ses épaules douloureuses ne lui permirent pas d'achever son geste.
    Découragé, il reprit sa place sur le toit, mais Chagak se leva.
    — Je vais essayer. J'ai vu les hommes de mon village s'en servir.
    Surpris, Shuganan lui tendit le bola et la regarda tandis qu'elle le soulevait au-dessus de sa tête, le balançant lentement d'abord, puis avec plus de puissance. Le bruit des pierres et des cordes siffla dans l'air; en la voyant ralentir, Shuganan lui conseilla :
    — Ne t'arrête pas. Tire. Si tu ralentis, les cordes s'enrouleront autour de ton bras et les pierres tomberont sur toi.
    Chagak accéléra son mouvement. Debout sur le toit de l'ulaq, les cheveux soulevés par le vent, elle fit voler le bola. Le coup partit de travers et les pierres tombèrent dans un buisson de bruyère.
    — Je voulais tirer droit, dit-elle.
    — Il faut du temps pour apprendre à tirer avec un bola, répondit Shuganan. Ne te décourage pas.
    — Je voulais toucher un canard.
    — Ils t'attendront. Recommence.
    Elle le regarda avec quelque chose qui ressemblait à un sourire.
    — Je vais apprendre, affirma-t-elle.
    Tout le reste de la journée les canards restèrent sur la plage. Elle continua à s'exercer jusqu'à ce que ses mains soient blessées par la corde, mais il était agréable de maîtriser la force du bola et de sentir les cordes se tendre et les pierres s'envoler dans l'air en chantant.
    Le soir venu les canards ne s'en allèrent toujours pas. Ils se regroupèrent dans la mare sur le haut de la plage.
    Cette nuit-là, en s'allongeant sur sa

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