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Ma soeur la lune

Ma soeur la lune

Titel: Ma soeur la lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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Poissons savait qu'il craignait de ne pas être obéi. Mais la réponse vint, petite et calme :
    — Oui, époux.
    — Demain, tu entameras un nouveau rideau pour ma chambre. Celui-ci est vieux. Et fais-le plus grand.
    Trois Poissons ne répondit pas ; elle ne rit pas non plus. Samig ferma les yeux et songea à Kiin, Kiin dans son lit, Kiin, si veloutée sous ses doigts. Quand il fut suffisamment excité, il tomba à genoux et ouvrit les jambes de Trois Poissons, se dressant sur ses bras afin que sa poitrine n'effleure pas sa femme lorsqu'il la prit.
    41
    Amgigh poussa sa pagaie dans l'eau, trois coups à gauche, trois à droite. Le calme de la mer du Nord inquiétait Amgigh. Il n'était pas ordinaire de voir une eau d'un bleu-vert aussi limpide, suffisamment transparente pour distinguer loin sous la surface, jusqu'aux profondeurs qu'habitaient les esprits, jusqu'aux profondeurs où la baleine l'avait entraîné...
    Non, se dit-il. C'est la couleur habituelle de la mer du Nord. Elle est toujours aussi limpide. Les nombreux jours d'alitement m'ont fait oublier comment était l'eau. J'ai oublié. J'ai seulement oublié.
    Oiseau Gris — Waxtal — avait tenu à l'accompagner pour sa première sortie depuis la baleine. Kayugh aussi. Mais il n'était pas sûr de ses propres réactions. Et s'il ne parvenait pas à ramer? Vou-lait-il que d'autres hommes soient témoins de sa honte ?
    Quand il avait enfin émergé de l'ulaq, quittant la sécurité confinée des murs obscurs, le seul fait de regarder la mer avait serré son estomac de frayeur.
    Il vaut mieux que je parte seul, s'était-il dit. La mer avait peut-être volé son courage. Aussi s'était-il éloigné, sourd aux pleurs de Chagak, aux craintes de Kayugh.
    Mais, maintenant, tout paraissait différent : le froid de l'eau ; le silence sans vent ; le gris pesant du rivage. Même la pagaie ne semblait plus s'accorder à sa main. Il regrettait de n'avoir personne avec lui pour psalmodier des chants de chasse, des chants d'hommes plus forts que la mer.
    Puis lui revint en mémoire ce que Chagak lui avait dit alors qu'il n'était qu'un enfant — s'il était seul ou s'il avait peur, il devait expliquer sa force à la mer.
    Alors, élevant la voix, Amgigh appela en direction du large :
    — Je suis fort. Je ne me vante pas. Je te dis la simple vérité. Je suis fort. Même la baleine n'a pas réussi à me tuer. Oui, murmura-t-il en inclinant la tête vers le centre de sa poitrine afin que son esprit entende. Je suis fort.
    Malgré les jours passés allongé dans sa chambre, ses jambes étaient puissantes, pas aussi épaisses que celles de Samig, mais bien musclées. A chaque coup de pagaie, ses cuisses poussaient dur contre le fond de î'ikyak.
    D'une voix plus assurée, il entonna une vieille mélopée qui louait les lions de mer et donnait à la loutre le nom de frère. Même Kayugh ne savait pas qui en avait le premier pensé les paroles. Un excellent chasseur, en tout cas.
    Amgigh chantait, se souvenant d'autres chants. Soudain, il se rappela la voix riche et pleine de Kiin lorsqu'elle fredonnait, parfois avec des mots nouveaux, de vieilles chansons d'une manière nouvelle.
    Alors, même en pagayant, Amgigh revit les petites mains de Kiin contre sa peau, sentit ses doigts sur lui, légers comme une plume. Il ferma les yeux et hocha la tête. L'esprit de Kiin devait déjà être dans les Lumières Dansantes. Mais qui pouvait dire? Peut-être avait-il été capturé par la mer, peut-être chaque ride de l'eau contenait-elle une petite partie de son âme qui permettait à Amgigh de la voir, de la sentir, chaque fois qu'il était dans son ikyak.
    Peut-être l'eau attirait-elle ses pensées vers Kiin. Qui pouvait douter que la mer était une chose vivante? Qui pouvait douter de ses pouvoirs? Assurément, les esprits de la baleine et du lion de mer se mêlaient intimement aux vagues écumantes et brisantes. Amgigh songea à sa première sortie en ikyak. Ses jambes étaient petites et maigres, ses bras menus comme des os d'oiseaux. La mer avait enserré sa pagaie, essayant de la lui arracher des mains. Quel chasseur ne racontait pas la même chose? Quel chasseur ne savait pas que la mer le mettait à l'épreuve jusqu'à être certaine que le garçon serait un bon chasseur, digne de prendre des phoques, digne de prendre des lions de mer?
    Amgigh conservait le souvenir de ses muscles endoloris après cette journée d'initiation. Bras et épaules engourdis à force de soulever

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