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Ma soeur la lune

Ma soeur la lune

Titel: Ma soeur la lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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demanderait une lame façonnée par les mains d'Amgigh ou d'un de ses fils. Ce serait ainsi. Oui, et Samig verrait qui possède le plus grand pouvoir.
    La progression était lente et le vent froid, comme s'il tirait sur le parka d'Amgigh, tandis qu'il cherchait des prises dans l'herbe morte. Mais, Amgigh était si concentré qu'il ne sentait pas le froid, et s'interdisait de se demander si le vent était l'esprit de Kiin l'appelant à la suivre dans le monde des esprits. Il avait trop de couteaux à tailler, trop de lames à polir. Il lui fallait être un homme, assez vigoureux pour tailler la roche, avec des cals aux endroits où ses doigts agrippaient la pierre. Que ferait un esprit d'une pierre ? La pierre et l'esprit — leurs mondes étaient séparés.
    Trois nuits il passa sur l'île Aka, trois nuits avec les esprits d'Aka, avec les grondements des grands feux d'Okmok, émanant des profondeurs. Qu'avait-il à craindre? Okmok était puissante, mais Aka l'était davantage, et Okmok était connue pour posséder des esprits bénéfiques. Sinon, pourquoi la montagne déverserait-elle l'obsidienne noire et luisante, pierre esprit des montagnes? Et qui avait plus de droit sur cette pierre qu'un homme qui faisait des couteaux, les meilleurs couteaux? Non, non, il n'avait pas peur.
    Chaque jour, Amgigh grimpa. Chaque jour, il fouilla, tailla et ramassa des éclats d'obsidienne libérés patiemment par le vent, la pluie et le soleil — toutes les puissances du ciel — et par la glace et la roche — les puissances de la terre. D'où, sinon du ciel, l'homme apprenait-il l'art de tailler la pierre?
    D'où, sinon de la terre, l'homme apprenait-il une telle patience?
    Chaque jour, Amgigh ramassait la pierre qu'il avait gagnée à la montagne, la roulait dans un épais morceau de peau de lion de mer, et l'attachait dans son dos. Quand il redescendait la montagne, en s'accrochant et glissant tour à tour sur l'herbe et sur la roche, il vérifiait fréquemment que l'obsidienne n'entaillait pas le cuir. Ainsi, en trois jours, il eut trois peaux bourrées de la précieuse pierre.
    Avant d'entreprendre le voyage de retour vers les siens, il balança à la mer les pierres de lest pour les remplacer par les pierres esprit. Tandis qu'il naviguait vers son peuple, il sentait la différence dans son ikyak. Son embarcation était plus solide, plus rapide, et même quand la calme mer du Nord affronta les vagues hautes et blanches d'écume, Amgigh eut l'impression que sa rame taillait dans l'eau avec une sûreté nouvelle et que l'ikyak glissait aisément, d'une vague à l'autre. Tel un oiseau, il volait. Cependant qu'il pagayait, il songeait au nouveau couteau d'obsidienne qui remplacerait celui volé — à n'en pas douter — par Qakan. Et il ferait des couteaux pour Samig, chacun possédant autant de valeur que la maîtrise de la chasse à la baleine.
    42
    Samig lissa le manche de son harpon avec un morceau de pierre de lave et regarda Nombreuses Baleines, à l'autre bout de l'ulaq. Paupières closes, le vieil homme inclinait la tête. Une fois Roc Dur devenu chef, Nombreuses Baleines s'était mué en un vieillard; il avait perdu sa condition d'homme pour redevenir un garçon dépendant des autres pour sa nourriture et les nécessités quotidiennes.
    Samig pensa que son grand-père avait appris à lui refaire confiance, qu'il le voyait de nouveau comme un homme, mais peut-être cela tenait-il au fait que Nombreuses Baleines était retombé en enfance. D'ailleurs, les autres hommes de la tribu ne l'invitaient pas à leurs réunions nocturnes, ne lui réclamaient plus de récits de chasses.
    — Ils te traiteront en homme quand tu mettras un fils dans le ventre de Trois Poissons, lui disait Épouse Dodue. Alors, tu auras ta place en tant que chasseur de baleines.
    Penchée en avant, elle regardait par-dessus son épaule et, si Nombreuses Baleines paraissait endormi, elle murmurait :
    — Alors ils te diront les secrets du poison.
    Pourtant, ce matin encore, Samig avait entendu
    les paroles réconfortantes adressées par Épouse Dodue à Trois Poissons :
    — C'est un bon temps pour se reposer. C'est un bon temps pour se reposer.
    Il sut qu'une fois de plus il s'était montré incapable de planter un enfant dans le sein de sa femme. Trois Poissons passerait plusieurs nuits dans la hutte dressée à l'écart pour les femmes dans leur période de saignement.
    A ce sujet, les Chasseurs de Baleines étaient plus stricts que les Premiers

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