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Ma soeur la lune

Ma soeur la lune

Titel: Ma soeur la lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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donnerait un fils. Il avait perdu la puissance de Nombreuses Baleines, mais avec un fils, il regagnerait quelque chose. Peut-être assez pour apprendre les secrets.
    Au cours des quarante jours qui suivirent la mort de Nombreuses Baleines, Samig évita sa femme, ayant soin de ne pas la regarder, de ne pas rester seul avec elle. A quoi lui servirait-elle? Pendant le deuil, une femme ne pouvait partager la couche de son époux. Quel homme voudrait un fils conçu dans le deuil, une fille qui lui rappellerait la mort?
    Samig passait le plus clair de son temps loin de l'ulaq, péchant avec les vieillards, ramassant des clams avec les enfants. Mais, il remarqua que Trois Poissons maigrissait, qu'elle était toute pâle et que son rire était creux.
    Ce n'est pas sa faute si elle est ma femme, s'avoua-t-il. D'autres ont choisi pour elle comme pour moi. Épouse Dodue l'avait noté elle-même : dans le noir, toutes les femmes sont pareilles. Parfois, Trois Poissons était Panier Moucheté, parfois Petite Fleur, toujours Kiin.
    Cette nuit-là, alors qu'ils étaient assis dans la lumière ténue de l'ulaq, Samig s'aperçut qu'il ne parvenait pas à travailler à ses armes comme d'habitude. Il avait envie de marcher, d'être loin des Chasseurs de Baleines. Ne tenant plus en place, il leva les yeux pour observer les femmes qui cousaient près des lampes à huile. Elles étaient paisibles, le visage d'Épouse Dodue gris, aux traits tirés, Trois Poissons paraissant plus menue, moins redoutable.
    Samig fixa Trois Poissons du regard. Savait-elle qu'hier marquait la fin du deuil? Comptait-elle les jours avec des encoches sur le sol de l'ulaq, comme
    Épouse Dodue? Observait-elle la lune comme il le faisait, lui ? Trois Poissons leva les yeux sur lui mais les baissa dès que leurs regards se croisèrent. Ils étaient empreints de tristesse, une blessure dont Samig n'aurait jamais cru qu'elle puisse l'atteindre.
    — Femme, dit-il avec douceur.
    Elle le regarda et, quand il se leva, elle l'imita. Même Épouse Dodue sourit. Mais Samig n'en avait cure. Qu'elle pense ce qu'elle veut. Peut-être cela soulagera-t-il son chagrin.
    Dans l'obscurité de sa chambre, Samig attendit que Trois Poissons s'allonge, mais elle demeura près de lui jusqu'à ce qu'il la pousse délicatement vers les nattes. La main de Trois Poissons se referma sur le poignet de Samig et elle murmura :
    — Tu appartiens aux Traqueurs de Phoques et je sais que ton esprit est avec eux.
    Samig s'étonna de ces paroles mais, avant qu'il ne pût répondre, elle enchaîna :
    — Dans mon cœur, je t'appelle Samig.
    Il ne la distinguait pas, mais il tendit la main vers son visage. Je suis pour elle ce que Kiin est pour moi, se dit Samig. Soudain, le cœur douloureux, il comprit.
    — Avant que tu ne retournes à ton peuple, ajouta Trois Poissons, donne-moi un fils.
    Une surprenante légèreté emplit le cœur de Samig. Son épouse l'avait libéré, ne demandant de lui pas plus qu'il ne voulait donner. Et, comme il l'allongeait sur le dos, dans le noir, Trois Poissons fut Trois Poissons.
    FIN DE L'HIVER, 7038 AVANT J.-C.
    Baie de Chagvan, Alaska, et île de Yunaska, îles Aléoutiennes
    43
    Kiin s'éveilla dans la douleur. Les muscles de son abdomen tiraient à tel point que la pression semblait s'exercer en partant du dos, vers ses hanches, et lui broyait les os. Elle se tourna sur le côté et respira profondément à plusieurs reprises. La douleur cessa. Kiin se détendit.
    Elle aurait voulu pouvoir rester sur la plate-forme qui servait de lit, mais en tant que deuxième épouse, il lui revenait d'allumer la lampe et de préparer la nourriture dès le matin.
    Le ventre lourd, elle se hissa à quatre pattes. Les douleurs avaient commencé quatre, cinq jours auparavant. Elles étaient peu fréquentes mais empêchaient Kiin de dormir la nuit et, dans la journée, elle avait des difficultés à mener à bien son travail.
    Elle rampa jusque dans la salle commune, ajouta de l'huile à la lampe et souffla doucement sur la mèche qui s'étouffait jusqu'à ce qu'elle s'embrase de nouveau. L'effort amena une autre douleur, plus intense encore que celle qui l'avait réveillée.
    Cela faisait plus de huit mois que Qakan l'avait prise. Pendant presque toute cette période, elle avait vécu en tant que seconde épouse du Corbeau, sans être véritablement sa femme. Comme elle était enceinte, il ne l'avait pas emmenée dans son lit, mais elle savait qu'une fois les bébés nés, il

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