Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Ma soeur la lune

Ma soeur la lune

Titel: Ma soeur la lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
Vom Netzwerk:
douleur.
    En vint une autre, qui renvoya Kiin dans le noir. Alors son esprit dit « Samig ». Et le nom fut comme une amulette, quelque chose à quoi se raccrocher, quelque chose pour maintenir Kiin au-dessus de la souffrance.
    — L'abri de délivrance est-il prêt? s'enquit Femme du Ciel.
    — Oui, répondit Kiin dans un souffle.
    Elle avait passé ces derniers jours à en construire l'armature, disposant des nattes sur les poteaux que le Corbeau avait coupés d'un groupe de saules, plus grands qu'un homme, qui poussaient dans un endroit abrité dans la toundra entre les montagnes. Il avait rapporté cinq saules, les avait tirés, trois sur l'épaule droite, deux sur la gauche, et Kiin les avait disposés à l'écart du village, loin du vent, hors de la fumée des ulas.
    Kiin avait lié les saules par le sommet comme elle avait vu sa mère attacher les pieux de bois flotté de l'abri de saignement, puis elle avait étendu des nattes sur les pieux et cousu de l'herbe dessus afin que les couches en quinconce la protègent de la pluie ou de la neige.
    A l'intérieur, elle avait placé les choses dont toute mère a besoin : peaux de phoque, doucement molletonnées, pour envelopper les bébés; vieilles nattes destinées à éponger le sang de la naissance; peaux remplies d'eau ; et un estomac de phoque de poisson séché — le poisson à bosse que Kiin n'avait jamais goûté avant son arrivée chez les Chasseurs de Morses —, un poisson d'été afin que Kiin ne porte point malheur à la chasse en mangeant de la chair de poisson ou d'animal attrapé au temps de la naissance.
    Elle avait un couteau de femme pour couper les cordons de naissance des bébés et du fil de nerf pour nouer les cordons et éviter qu'ils ne saignent. Femme du Soleil lui avait donné un plein panier de douce mousse, parfaite pour capitonner la bandoulière qui servirait à porter l'enfant et pour absorber ses déjections. Elle avait de l'huile pour nettoyer et adoucir la peau des bébés, et des feuilles d'ortie séchée à macérer pour en faire de la tisane; ces feuilles, le Corbeau les avait rapportées d'un commerçant : elles étaient encore plus difficiles à trouver que de la ficelle d'ortie et étaient bonnes pour soulager les douleurs qui suivaient la naissance.
    Femme du Ciel aida Kiin à se relever et la soutint jusqu'à l'abri de naissance; une fois Kiin à l'intérieur, Femme du Ciel s'en alla quérir Femme du Soleil.
    Quand les deux sœurs revinrent, Kiin fermait les yeux pour lutter contre les spasmes. La douleur passée, Kiin vit que les deux sœurs attachaient une grosse corde tressée en lanières de peau de phoque aux pieux de l'abri. Femme du Soleil la tira vers Kiin.
    — Accroche-toi à cette corde, dit-elle en refermant les doigts de Kiin dessus. Quand une douleur arrive, tire. Ton abri est assez costaud pour le supporter, même si tu y mets toute ta force, et le fait de tirer va t'aider à pousser les bébés dans le monde.
    Les douleurs revinrent, plus violentes, plus rapides, jusqu'à ce que Kiin, épuisée, ait l'impression d'habiter un monde de demi-sommeil. Elle percevait faiblement le chant de Femme du Ciel : Tire, respire, tire, respire, respire, respire, tire. Et, à travers les mots, à travers la douleur, le visage de Samig, le nom de Samig. Elle oubliait tout le reste — oubliait qu'elle était l'épouse d'Amgigh, oubliait le Corbeau, oubliait Queue de Lemming, oubliait les Chasseurs de Morses —, elle ne pensait qu'à Samig, Samig, Samig.
    Les bébés arrivèrent dans la nuit, au moment où montait la pleine lune. Kiin sentit la pression de la première tête dans son canal de naissance ; puis une nouvelle sorte de douleur, pire, le déchirement de la peau, la largeur du bébé comme il quittait son corps. Puis le calme, plus de douleur, le murmure des vieilles femmes.
    Et au cri soudain du bébé, Kiin hurla :
    — Non!
    Car sa première pensée fut que Femme du Soleil ou Femme du Ciel avait utilisé son couteau contre son fils. Alors, Femme du Soleil maintint le bébé en l'air et Kiin vit l'enfant, entier et fort.
    — N'oublie pas, Tugidaq, dit Femme du Ciel, l'un est maudit.
    — Écoute les esprits. Ils te diront lequel, enchaîna Femme du Soleil sous les pleurs du bébé.
    Mais Kiin ne voyait nulle malédiction, seulement son fils, seulement les doigts et les orteils si longs, les cheveux si fins, si raides, le petit nez évasé du père du bébé : Amgigh.
    — Pas de malédiction,

Weitere Kostenlose Bücher