Ma soeur la lune
bras et jambes au poteau et se balancer au-dessus de l'ikyak, tête la première. Les mains libres, il pendait par les genoux. Il sortit un ventre de phoque plein qu'il tendit à Samig.
— Du poisson, s'exclama Samig.
— Ils savaient que tu aurais faim, remarqua Petit Couteau en souriant, avant de replonger.
Samig lança le ventre de phoque derrière lui sur le poteau et tendit une main tandis que Petit Couteau extirpait une vessie d'huile.
— Et ce n'est pas tout, ajouta le garçon d'une voix étouffée.
Il sortit un tas de nattes finement tissées, dont le bord représentait des carrés foncés. Petit Couteau lâcha le paquet et revint agripper le poteau. Il prit la vessie d'huile des mains de Samig et redescendit au sol. Samig passa ensuite le ventre de phoque au garçon, puis tira les cordes jusqu'à libérer l'ikyak. Il le pointa vers le bas pour que l'enfant puisse s'emparer de l'extrémité étroite puis redescendit à son tour. Il plaça les mains au-dessus de celles de Petit Couteau, bandant ses muscles pour recevoir le poids de l'ikyak, puis ils tirèrent ensemble et posèrent délicatement l'embarcation à terre.
Une fois l'ikyak à l'entrée de la grotte, ils y remirent le poisson et l'huile. Samig bourra le bateau avec le chigadax, la peau de phoque et les bottes. Enfin assis sur ses talons, il dénoua le paquet enveloppé dans les nattes de sa mère.
Au fur et à mesure, il déposa les affaires devant Petit Couteau : une corde tissée en fibres de varech, une petite lampe de pierre, des mèches tressées. Une pierre à gratter — un outil de femme, mais qui pourrait se révéler bien utile.
— Pour Trois Poissons, annonça-t-il, la pierre à la main.
Elle n'était pas ce que la plupart des hommes attendaient d'une épouse, mais c'était une femme, qui savait coudre et préparer les peaux.
Il trouva aussi de la graisse à repriser et un long tube à écoper, bouché aux deux extrémités. Croyant les nattes vides, Samig entreprit de tout renvelop-per. Mais Petit Couteau fouilla entre les replis et en tira un petit objet blanc. Il était suspendu à une corde, comme l'amulette que Samig portait et, quand Samig le prit des mains de Petit Couteau, il vit que c'était de l'ivoire sculpté en forme de baleine.
Samig fit jouer la figurine entre ses doigts. D'où venait-elle ? Elle était trop belle pour avoir jailli des mains d'Oiseau Gris.
— Tu vas la porter? s'enquit Petit Couteau.
— N'as-tu pas entendu parler de mon grand-père Shuganan? répondit Samig en souriant devant les yeux écarquillés de Petit Couteau.
Ils portèrent l'ikyak au-dehors. Trois Poissons s'approcha, son regard fouillant à l'intérieur, ses doigts courant sur les coutures. Samig lui tendit la pierre à gratter.
— Pour toi, dit-il.
Il fut gêné de voir les yeux de son épouse briller de gratitude. Ce n'était qu'une petite lame. Pourquoi ne lui avait-il jamais rien donné auparavant ? Mais que possédait-il lorsqu'il vivait chez les Chasseurs de Baleines ?
50
Kiin retourna dans l'ulaq du Corbeau quinze jours après la naissance des bébés. Queue de Lemming, remarqua-t-elle tout de suite, avait nettoyé la grande pièce et épointé les mèches de lampe. Nulle nourri-ture ne pourrissait par terre. Deux estomacs de phoque étaient remplis de poisson fraîchement séché. Et le chigadax du Corbeau, récemment raccommodé et huilé, pendait à une patère dans le mur.
Queue de Lemming n'était pas dans l'ulaq. Voyant tout en ordre, Kiin ferma les yeux et respira profondément. Elle avait craint de travailler des jours durant pour compenser la paresse de la première épouse.
À l'opposé de la plate-forme du Corbeau, Kiin remarqua la présence de quatre anneaux de saule noués solidement aux chevrons. Des crochets pour les berceaux? Ainsi, le Corbeau aurait peut-être tenu sa promesse que ses deux enfants vivraient en sécurité chez lui.
Kiin posa les berceaux sur sa plate-forme. Elle consistait en une pile de fourrures et de nattes d'herbe posées sur un cadre de saule et de bois flotté assemblé serré avec de la corde de babiche. Les fourrures n'avaient rien de comparable aux peaux épaisses et fines à la fois qui tapissaient le lit du Corbeau, mais elle n'était qu'une seconde épouse. On lui avait donné un lit, ce n'était déjà pas si mal.
Les bébés étaient accrochés à sa poitrine et elle portait son suk avec la fourrure à l'intérieur, plus douce à leur peau. Ses fils dormaient,
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