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Ma soeur la lune

Ma soeur la lune

Titel: Ma soeur la lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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la différence entre un homme qui ne gardait une femme que pour son lit et son ulaq, et un homme qui se souciait de sa femme comme de lui-même. Non, le Corbeau n'était pas un bon mari, mais il n'était pas si terrible.
    Si elle partait seule avec ses fils, il se lancerait à leur poursuite. Elle resterait donc tant qu'il protégerait Shuku et Takha. Peut-être devrait-elle partager son lit, mais elle avait connu pire. Elle guetterait l'occasion de quitter les Chasseurs de Morses quand le Corbeau serait en voyage de troc, quand ses fils seraient plus forts.
    — N-non, répondit-elle au Corbeau, ce n'est pas ainsi entre Amgigh et moi. Je reste avec toi.
    52
    — Peut-être devrions-nous partir, suggéra Petit Couteau. Sept jours est une longue attente.
    — Qui est le garçon et qui est l'homme ? rétorqua méchamment Samig en faisant les cent pas dans la grotte étroite.
    Trois Poissons s'était blottie dans un coin. Craignant qu'elle ne soutienne Petit Couteau dans la discussion, Samig se garda de la prendre à partie.
    — Ils vont peut-être revenir, ajouta-t-il en tournant le dos à Petit Couteau, sans penser qu'il lui répondrait.
    — Ils ne reviendront pas, dit Petit Couteau d'une voix lasse et sans timbre, comme un père s'adres-sant à un enfant boudeur.
    Samig se sentit soudain stupide. Le garçon avait raison. Sinon, pourquoi auraient-ils tout emporté sauf ses affaires? Ne l'avait-il pas dit lui-même? Quel esprit l'attachait donc à cette plage?
    Ses pensées furent interrompues par un grondement soudain. Le sol bougea. De la terre et de la poussière tombèrent du toit de la grotte.
    Trois Poissons hurla.
    — Trois Poissons, cria Samig pour se faire entendre au-dessus du grondement de la terre.
    La femme saisit son suk et courut en direction de l'entrée de la grotte.
    — Trois Poissons !
    Elle s'arrêta et se retourna vers lui.
    — Reste ici. Tu y es davantage en sécurité.
    — Je ne peux pas. Je ne peux pas, sanglota-t-elle. Tu n'étais pas là. Tu ne sais pas. Les murs sont tombés sur Épouse Dodue. Je n'ai pas réussi à la faire sortir.
    — Ceci n'est pas un ulaq, repartit Samig tout en constatant que Petit Couteau ne paniquait pas.
    — Nous ferions peut-être mieux de partir, suggéra l'enfant d'une voix claire et calme. Ton épouse a trop peur pour rester.
    Les yeux de Trois Poissons étaient tout ronds, ses lèvres ouvertes ressemblaient à la bouche d'un enfant en pleurs. Le peuple de Samig ne reviendrait pas tant qu'Aka brûlerait, alors quel intérêt à s'obstiner? Tourmenter sa femme?
    — Allons-y, capitula Samig en s'emparant de ses lances. On emporte tout.
    Ils fixèrent l'ikyak à l'ik pour former une embarcation plus stable, lestant les deux bateaux de vivres et de galets de la plage. Samig s'assit seul dans l'ikyak tandis que Trois Poissons et Petit Couteau s'installaient dans l'ik. Ils pagayèrent. Bientôt, la terre ne fut plus qu'une ligne obscurcie par la brume et la cendre qui grisonnait le ciel.
    Le chigadax de Samig le maintenait au sec, mais Petit Couteau et Trois Poissons seraient bientôt trempés d'écume de mer.
    — Nous allons accoster et faire une halte! leur cria Samig.
    Petit Couteau ne répondit pas. Voyant les cheveux tout mouillés de l'enfant, Samig trembla de froid. Pour la première fois depuis qu'ils avaient quitté le village des Chasseurs de Baleines, Samig pensa à son beau chapeau de baleinier. Où était-il, maintenant? Écrasé sous les murs de l'ulaq de son grand-père?
    Fixé à l'ik, l'ikyak de Samig était peu maniable.
    Quand Amgigh et lui chassaient le phoque, ils attachaient souvent leurs esquifs ensemble pour lutter contre une tempête soudaine. Ils ramaient alors uniquement pour se maintenir à flot, mais aujourd'hui Samig devait aussi faire avancer les bateaux au milieu des vagues qui obéissaient à Aka et non au vent, des vagues qu'un chasseur était incapable de juger et de connaître.
    De plus, cet ikyak n'était pas le sien, il n'était pas fait à la mesure de ses bras, de ses jambes, de ses mains. Ses autres ikyan étaient restés chez les Chasseurs de Baleines : celui que Samig avait construit enfant, celui avec lequel il avait pris son premier phoque, l'ikyak qu'il avait fabriqué avec Nombreuses Baleines — léger, étroit, filant entre les vagues comme une loutre. Ton ikyak est un frère, lui avait enseigné Kayugh.
    Oui, se dit Samig, il était prévu pour quelqu'un d'autre, mais c'était un bon ikyak. Il en

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