Ma soeur la lune
avait murmuré l'esprit d'Amgigh. Et Amgigh avait su qu'une autre pierre était cachée à l'intérieur de la lame d'obsidienne, peut-être un nodule de quartz, qui affaiblirait le couteau.
Amgigh redescendit dans l'ulaq et fit un signe de tête à ses parents. Il alla dans sa chambre, maintenant le rideau levé pour laisser entrer la lumière. Il entreprit d'emballer ses affaires dans une peau de phoque. Il serait prêt si son père voulait partir de bonne heure le lendemain. Il tira un panier de sa réserve d'armes. À l'intérieur, ses lames achevées — des têtes de lances d'andésite, de petites lames d'obsidienne pour les couteaux recourbés, quelques lames arrondies pour les couteaux de femmes. Il fouilla dans le lot, choisit les meilleures pour les emporter chez les Chasseurs de Baleines. Peut-être auraient-ils quelque chose à échanger.
Quand Oiseau Gris avait dit à Amgigh que Qakan partirait bientôt en voyage de troc, Amgigh avait confié plusieurs lames à Qakan. Il lui avait précisé :
— Lame pour lame, pas moins.
Amgigh avait besoin de voir le travail d'autres fabricants. Il avait déjà surpassé l'habileté de son père et d'Oiseau Gris, celle des Chasseurs de Baleines tailleurs de lames. Il espérait que Qakan négocierait avantageusement. Mais qui pouvait dire de quoi Qakan était capable? Qui pouvait lui faire confiance? Toutefois, comme l'avait dit Kayugh, mieux vaut donner une chance à Qakan que de le laisser vivre éternellement dans l'ulaq de son père, à se gaver, sans jamais chasser, trop paresseux pour seulement pêcher des oursins ou chercher des clams.
Amgigh prit les deux lames d'obsidienne qu'il avait façonnées pour Samig et lui. Elles étaient belles, aussi fines que tout ce qu'il avait jamais fait. Il les emmancha à des poignées qu'il avait coupées dans des morceaux de mâchoire de baleine, puis enveloppa le tout dans le fanon noir d'une baleine à bosse.
Il tint une lame dans chaque main. Celle qu'il avait taillée en premier était dans sa main gauche, l'autre dans sa main droite. Amgigh soupira. La pierre elle-même évoquait l'âme d'Amgigh, ses propres imperfections. Il laisserait la lame défectueuse ici, dans sa couche, et emporterait l'autre chez les Chasseurs de Baleines. Il la donnerait à Samig pour lui rappeler sa promesse de lui apprendre à chasser la baleine.
C'est alors qu'il entendit un rire, un rire de femme. Kiin. Kiin avec Samig. Une fois encore, il la vit en esprit, nue, les mains de Samig sur ses seins, les mains de Samig entre ses cuisses.
Amgigh ferma les yeux et serra les dents. Il enveloppa la bonne lame et la remit dans le coin des armes. Il enveloppa la lame défectueuse et la plaça dans le paquet qu'il emporterait chez les Chasseurs de Baleines.
Le cœur de Kiin cognait si fort qu'elle en sentait les battements au creux de ses bras. Elle constata avec soulagement que la chambre de Samig était très sombre, ce qui empêchait Samig de voir ses yeux. Que penserait-il s'il y lisait sa peur? Que penserait-il s'il y voyait sa joie ?
« Ton mari te l'a demandé, murmura son esprit. Tu ne fais qu'obéir. » Mais elle se sentait gênée. Peut-être une part d'elle-même désirait-elle trop cela. Peut-être ce désir s'était-il glissé au-dehors pendant son sommeil pour entrer dans les rêves d'Amgigh. Peut-être étaient-ce seulement son égoïsme, ses propres désirs qui avaient poussé Amgigh à offrir son épouse à Samig. Alors, quel bienfait pourrait émaner de son désir égoïste? Samig était frère. Amgigh était mari.
C'est alors que Samig l'attira près de lui, lui saisit les mains et murmura :
— Je suis désolé. Désolé de t'arracher si vite à ton mari. Mais tu vois, cela donne à Amgigh quelque chose avec quoi échanger, quelque chose qui en vaut la peine. Je voulais rester ici et être ton époux. Je n'ai pas besoin de chasser la baleine, mais Amgigh... Samig tendit la main, caressa la joue de Kiin, puis glissa ses doigts jusqu'au collier de perles qu'il lui avait donné.
— Quand j'ai fait ce collier, je croyais le faire pour ma femme.
Ses doigts tremblaient. Kiin referma ses mains sur les siennes.
— Quand t-t-tu me l'as d-d-donné, t-t-tu-tu savais ?
— Oui, mon père m'avait averti.
— Et tu-tu étais en colère?
— Oui, mais j'étais surtout heureux de savoir que tu vivrais dans cet ulaq, loin de...
— Oui.
Pendant un long moment, Samig ne fit rien, ne bougea pas, ne parla pas, jusqu'à ce que
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