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Ma soeur la lune

Ma soeur la lune

Titel: Ma soeur la lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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loin que les autres, qui courait plus vite, qui était plus fort, chassait mieux et qui même, pour une raison ignorée de tous, attrapait plus de poissons dans ses hameçons taillés dans des coquilles de clams, Samig ne pouvait pas avoir, n'aurait jamais Kiin.
    Mais à ce compte-là, Qakan non plus.
    Tous ses plans si soigneusement élaborés. Toutes ces années où Qakan, la nuit, allongé sur sa couche, avait songé à de promptes répliques, à des réponses qui témoigneraient de son intelligence, de sa vivacité d'esprit. Toutes ces nuits où il avait comploté quand les autres dormaient.
    Il avait fallu des mois pour qu'on prête attention à ses blagues, qu'on commente la force de ses propos.
    Puis le jour vint, deux lunes avant que Kayugh et Amgigh n'apportent la dot de Kiin. Oiseau Gris était sur le toit de l'ulaq avec Qakan. Les femmes cherchaient des clams sur la plage à marée basse. Qakan s'était montré direct. Son père était un faible — Qakan n'en doutait pas — et Qakan savait qu'une prière rencontrait souvent un refus, simplement parce que refuser donnait à Oiseau Gris une sensation de puissance.
    — Je ne suis pas un chasseur, avait dit Qakan. Je veux être un commerçant. Je t'apporterai l'honneur et je t'apporterai des fourrures, des coquillages et des harpons d'autres villages.
    Mais au lieu de discuter le désir de Qakan de devenir marchand, Oiseau Gris avait approuvé :
    — Tu n'es pas un chasseur, il est vrai. Si les esprits dissimulaient les racines et les baies aux femmes et les phoques aux chasseurs, tu ne serais même pas capable de rapporter un macareux.
    Furieux, Qakan avait grincé des dents et redit ce qu'il répétait sans cesse depuis qu'il l'avait entendu de la bouche de son père :
    — Ce n'est pas ma faute. Je veux être chasseur, mais la fille, ta fille, a pris ma force.
    Oiseau Gris avait craché un brin d'herbe et s'était détourné de son fils pour regarder vers la mer.
    Qakan avait attendu un moment puis, voyant que son père n'était pas décidé à parler, il avait ajouté :
    — Les marchands apportent autant d'honneurs que les chasseurs, et parfois davantage de peaux.
    Lentement, Oiseau Gris avait tourné la tête, lentement, il avait regardé Qakan.
    — Tu veux être marchand?
    — Oui.
    — Tu penses que tu peux marchander, que tu peux amener un homme à accepter moins pour ses biens, ses fourrures ou ses coquillages, que la valeur qu'il leur donne?
    C'était cette question que Qakan espérait entendre. Une question qu'il avait entendu discuter parmi les commerçants, ceux qui venaient dans l'ulaq de son père, ceux qui venaient pour user de la mère de Qakan pour la nuit, qui jetaient des regards pleins d'espoir sur Kiin mais détournaient les yeux quand Oiseau Gris avouait la honte de Kiin.
    — Non, avait répondu Qakan en réprimant un sourire devant l'étonnement de son père. Je n'amènerai pas un homme à accepter moins qu'il estime la valeur de ses fourrures. C'est comme ça qu'on se fait des ennemis. Je le conduirai à penser, à tort, qu'il obtient davantage. Je troquerai de fines fourrures de phoque contre des coquillages rares sur cette plage, mais communs sur d'autres, ou contre de la viande de baleine que les Chasseurs de Baleines possèdent en abondance.
    Son père avait hoché la tête encore et encore, puis avait dit :
    — Mais tu dois avoir quelque chose à offrir. Qu'as-tu ?
    Qakan avait baissé les yeux. Son père ne verrait pas l'amusement qu'ils recelaient. Ce que Qakan avait à offrir? Bien des choses, oui, bien des choses. Des couteaux de femmes oubliés sur la plage, des copeaux d'ivoire volés dans le panier à sculpture de son père — des choses que Kiin ou Coquille Bleue étaient accusées d'avoir perdues et pour lesquelles elles recevaient une correction. Chaque fois que des marchands venaient visiter l'ulaq d'Oiseau Gris, de Longues Dents ou de Kayugh, plus tard dans la journée ou le lendemain, il manquait des babioles — des aiguilles à coudre, des poinçons, des couteaux recourbés, de petits objets faciles à cacher dans la manche d'un parka. Ah oui, disait tout le monde, les marchands! Il y en avait certains à qui on ne pouvait faire confiance.
    Qakan avait donc gardé les yeux baissés pour répondre :
    — Peut-être toi, Samig et Kayugh avez-vous des fourrures en trop, n'importe quoi que je pourrais emporter pour l'échanger. En retour, je te rapporterais des défenses de morse ou des peaux d'ours

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