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Ma soeur la lune

Ma soeur la lune

Titel: Ma soeur la lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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meilleure que toi, il ne voudra pas te reprendre.
    Kiin grinça des dents de colère. Bien sûr que son père savait. Sinon, comment Qakan aurait-il pu se procurer les fourrures et les peaux, l'huile de voyage? Il sait que Qakan va me négocier chez les Chasseurs de Morses, se dit-elle, mais sait-il que Qakan s'est forcé en moi, qu'il s'est servi de moi comme d'une épouse?
    — Il-il sait que tu t'es maudit, toi et ton commerce, en usant de ta propre sœur comme de-d'une épouse ?
    Elle ricana en voyant le visage de Qakan se colorer de rouge.
    — J'obtiendrai davantage de toi si tu portes un enfant, lâcha Qakan d'une voix basse.
    Kiin se pencha vers lui. La fureur fit sortir les mots nets et clairs, comme si c'était son esprit qui parlait :
    — Et tu crois que tu vas me donner cet enfant? Tu crois qu'Amgigh n'a pas déjà mis un enfant dans mon ventre? Tu n'obtiendras rien. Tu as attiré la malédiction sur toi et sur cet ik. Tu vois le sang au fond. C'est mon sang. Du sang de femme. Si tu conduis cet ik loin en mer, les animaux marins eux-mêmes y feront un trou et nous nous noierons tous les deux.
    Qakan rentra les épaules pour se protéger de ses paroles.
    — Si je suis maudit, alors tu es deux fois maudite. Si tu rentres auprès de notre peuple et que tu leur dis ce qui s'est passé, tu crois vraiment qu'Amgigh voudra de toi ? Tu crois qu'un chasseur Morse voudra de toi ? Ne me parle pas de malédictions. Je suis un marchand. J'ai trop de pouvoir pour être maudit par ce qui arrive à une femme. C'est la femme qui porte la malédiction. Elle a déjà pris ton âme.
    — Tu te trompes, Qakan. J'ai toujours mon âme. Je la sens, forte, là, dit-elle en pressant le poing sur sa poitrine.
    Qakan sourit.
    — Admettons. Ton âme y est peut-être encore. Il faut du temps à une âme pour quitter quelqu'un qui vit encore, mais elle est déjà plus petite. Peut-être que chaque fois que tu parles, une petite parcelle de ton âme s'échappe avec tes mots et est emportée par le vent vers les Lumières Dansantes.
    Sur quoi, une grosse vague se projeta contre l'ik, le poussant vers un rocher saillant. Qakan retint son souffle et rama, hurlant à Kiin de l'aider. Elle saisit la pagaie au fond de l'ik et la maintint contre le rocher. Le choc fit grincer le bois. Malgré sa faiblesse, Kiin immobilisa la pagaie, poussant de toutes ses forces tandis que Qakan faisait avancer l'embarcation à longs et profonds coups de rame.
    Enfin, la vague les dépassa. Kiin la regarda écumer sur la plage, affaiblie au contact du sable noir, sifflant en roulant vers la mer.
    — Garde la pagaie, ordonna Qakan. Nous irons plus vite si tu m'aides.
    Kiin serra les mains sur le manche lisse. Ses yeux glissèrent jusqu'à la rame.
    « Prends-le maintenant, murmura l'esprit de Kiin. Tout de suite. Il est fatigué et tu as retrouvé ta force. »
    — Je-je ne pagaierai que si tu tournes l'ik en direction de notre île, dit Kiin.
    Qakan sortit la pagaie de l'eau et la brandit, menaçant.
    Relevant le menton pour désigner la blessure à la tempe de Kiin, il ricana :
    — Aurais-tu déjà oublié ce que je peux faire avec une pagaie?
    Le bois froid contre ses mains, Kiin regarda les doigts lisses et potelés de son frère et n'éprouva aucune crainte. Mais elle recula et sortit sa propre rame de l'eau pour se protéger de Qakan.
    Qakan rejeta la tête en arrière et éclata de rire.
    Kiin attendit que Qakan rie à en fermer les yeux. Alors, Kiin empoigna sa pagaie comme un chasseur sa lance et la ficha dans le ventre mou de Qakan. Le coup rejeta Qakan en arrière et il lâcha sa pagaie. Kiin plongea en avant, saisit la pagaie de son frère qu'elle lança sur lui mais, cette fois, Qakan s'en empara avant d'être touché. Kiin fut ahurie de la force avec laquelle les mains de son frère maintenaient la pagaie.
    Il doit avoir l'aide d'un esprit, songea Kiin, mais quel esprit aiderait Qakan?
    Elle tenta de tordre la pagaie pour lui faire lâcher prise, mais ne réussit qu'à faire tournoyer l'ik sur lui-même. La proue ne faisait plus face à la mer, les vagues claquaient contre le flanc et l'eau entrait d'un côté.
    — Kiin, arrête! hurla Qakan. Nous allons nous noyer. L'ik... regarde...
    « Quelle importance? murmura l'esprit de Kiin. Même un enfant regagnerait la rive. »
    Kiin tira violemment la pagaie vers elle et la relâcha si brusquement que la lame s'écrasa sur la bouche de Qakan. Elle sauta en avant et atterrit, un genou

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