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Ma soeur la lune

Ma soeur la lune

Titel: Ma soeur la lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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peau d'oiseau déchiré à l'épaule, ses cheveux ternes et emmêlés. Il avait l'air d'un gamin qui ne savait pas grand-chose et sur qui on aurait facilement le dessus. Kiin sentit son esprit gonfler dans sa poitrine, sentit la force revenir dans ses bras et ses jambes et comprit que ce qu'elle voyait maintenant était vrai, ce n'étaient plus de fausses images qui doublaient ou triplaient chaque rocher, chaque brin d'herbe.
    — Ainsi, tu mourras sans âme et tu erreras, poursuivit Qakan. Tu n'iras pas dans les Lumières Dansantes et tu ne reverras jamais Samig.
    Le cœur de Kiin cogna violemment. Pourquoi parler de Samig alors que c'était Amgigh son mari? Pourquoi ses sentiments pour Samig se voyaient-ils si clairement que même Qakan savait?
    — Mon-mon mari est Am-Amgigh, dit-elle d'une voix rauque après des jours de silence.
    À travers la frange de ses cils, Kiin s'aperçut qu'il souriait, de ce sourire qu'il arborait avant de la frapper ou de raconter à son père des mensonges sur son compte.
    — Ainsi, tu es vivante, dit Qakan.
    Kiin remua doucement la tête et ouvrit grand les yeux pour fixer du regard le ciel gris au-dessus d'eux. Oui, elle était plus forte, et sa tête lui faisait mal uniquement parce que Qakan l'avait frappée. Et cette douleur était tendre comme un bleu à côté du mal profond qui l'entraînait dans des rêves atroces et faisait résonner la voix de Qakan comme la plainte stridente du vent.
    — Je t'ai emmenée pour que tu m'aides à pagayer, à attraper du poisson et à préparer la nourriture, reprit Qakan. Je ne pensais pas que j'aurais à m'occuper de toi comme si tu étais un bébé.
    — Amgigh vien-viendra me-me-me chercher, assura Kiin.
    Elle se redressa lentement et grinça des dents lorsque le ciel et l'ik se mirent à tourbillonner.
    — Au-aujourd'hui ou de-de-demain, ajouta-t-elle, il nous trouvera et il te-te tuera pour me-m'avoir emmenée.
    Qakan hurla de rire. C'était un rire semblable à celui de son père, un rire qui partait de la gorge et s'élevait en arc jusqu'à une note aiguë comme l'appel d'un guillemot. La graisse trembla sous le menton de Qakan et son ventre tremblota sous son parka.
    Qakan, un marchand, songea Kiin. Qui voudrait traiter avec lui ?
    Mais son esprit murmura : « Bien des hommes voudront troquer avec lui. Qakan est un gamin facile à berner. Il emportera des peaux de phoque et reviendra avec des peaux de lemming. »
    — Amgigh ne nous suivra pas, rétorqua Qakan. Il te croit morte.
    Kiin s'assit sur son séant et vit la vérité dans les yeux de son frère.
    — J'ai fait un trou dans le fond de l'ik de notre mère et je l'ai coincé entre des rochers près des falaises du sud. Tout le village est persuadé que les esprits de l'eau t'ont prise.
    — Je-je vais envoyer mon es-mon esprit à Amgigh pendant ses rêves et il... et il saura la vérité.
    — Tu n'as pas d'esprit, cracha Qakan. Tout le monde au village te croit morte. Ton esprit a eu peur de rester dans un corps mort. Il t'a quittée pendant ton sommeil. Il est parti sans toi pour les Lumières Dansantes.
    Kiin sourit, elle faillit même rire. Pourtant, elle ne répondit pas à la sottise de Qakan, qui inclina la tête de côté et dévisagea sa sœur.
    — Tu crois que je t'ai emmenée avec moi seulement pour coudre mon parka et me préparer à manger? Non. Quand nous arriverons au village des Chasseurs de Morses, je te vendrai.
    Kiin ne se départit pas de son sourire, mais une part de la colère qui grandissait en elle se mua soudain en peur. Oui, elle rapporterait un bon prix, sinon comme femme, du moins comme esclave. Or les marchands affirmaient que certains Hommes Morses possédaient des esclaves.
    — Ils-ils ne vou-voudront pas d'une femme sans âme, objecta-t-elle, laissant la moquerie de son esprit transpercer dans ses yeux.
    — Je ne le leur dirai pas.
    Il la regarda comme si elle était une enfant, comme s'il la morigénait.
    — Et tu ferais bien de t'en garder. Mieux vaudrait pour toi être une épouse qu'une esclave.
    — Alors je-je deviendrai une-une épouse, dit Kiin. Et un jour, je de-de-demanderai à rendre visite à mon peuple, à re-retourner au village. Je ra-raconte-rai à notre père et à mon mari ce que tu as fait. Peut-être que lui ou Am-Amgigh te tuera. Ou bien Ka-Kayugh.
    Qakan haussa les épaules. Il plongea sa pagaie dans l'eau et rétorqua :
    — Notre père est déjà au courant. Et Amgigh trouvera une autre épouse,

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