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Ma soeur la lune

Ma soeur la lune

Titel: Ma soeur la lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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quelque chose en Samig sut que la colère d'Oiseau Crochu était dirigée non pas contre Roc Dur, mais contre lui, le plus jeune des chasseurs, le chasseur dont la cérémonie de maturité avait été honorée d'une baleine.
    27
    Avant même que le feu de la cérémonie ne soit réduit à l'état de charbons, Roc Dur reparut.
    — La baleine s'est offerte à ma lance, annonça-t-il en souriant du coin des lèvres.
    Les baleiniers se préparaient à poursuivre l'animal jusqu'à ce que le poison de la lance de Roc Dur ait agi.
    Mais Nombreuses Baleines porta son regard au-delà de l'homme, sur Samig, qui affronta ce regard.
    — La lance de Roc Dur est dans la baleine, déclara le vieil homme, mais c'est ta magie qui l'a amenée à nous. Tu dois également ne faire qu'un avec la baleine.
    Samig vit la colère dans les yeux de Roc Dur et attendit qu'il proteste; pourtant, sans piper mot, l'homme fit volte-face en direction de la petite hutte où l'alananasika usait de ses pouvoirs pour envoyer la baleine aux baleiniers et l'empêcher de nager vers un autre village.
    Cette nuit-là, les hommes construisirent un abri pour Samig, près de celui de Roc Dur. Quand il fut achevé, Samig pénétra à l'intérieur, ainsi que l'avait prescrit Nombreuses Baleines, s'isolant pour devenir baleine, pour dépérir comme la baleine devait dépérir.
    Devenir ce qu'il n'était pas, un animal dont il savait si peu, était chose ardue. Parfois, Samig rêvait qu'il était une loutre, qu'il dormait dans la mer, entouré de varech, dans un lit de vagues; une fois, il avait même rêvé qu'il était dans son ikyak et que l'ikyak avait des jambes et une queue. Dans ce rêve, Samig avait vraiment été une loutre, mais maintenant, la faim lui donnait mal au ventre et sa bouche était desséchée par le manque d'eau; dans son inconfort, il ne pouvait être rien d'autre qu'un homme.
    Combien de temps resterait-il dans la hutte, un jour, deux jours ? Il n'avait rien avalé depuis la veille de la cérémonie. Il ferait mieux de dormir, même si, repoussé par la nécessité de devenir baleine, le sommeil semblait insaisissable.
    Mais peut-être devenait-on baleine comme il était devenu loutre — à travers ses rêves.
    Samig, Tueur de Baleines, ferma les yeux, laissa ses pensées gagner la mer grise et froide. Il vit les vagues, sombres comme de l'argile, compactes, lui-santés comme une roche mouillée. Mais cette image fut recouverte par la douleur qui, bientôt, se transforma en quelque chose qui s'étendit au-delà de lui et l'attira vers le bas, dans l'obscurité, à travers les vagues, à l'écart du vent. Le calme pénétra dans ses oreilles, l'obscurité dans ses yeux; il fut en paix. C'est alors qu'il entendit le grondement profond et dur des autres baleines, les voix basses des rorquals bleus, les appels plus aigus des baleines tueuses, leur chant, un chant de meute, chaque voix à un niveau différent, si bien que même un petit nombre donnait l'effet d'une multitude.
    Quelque chose le força à quitter les profondeurs pour remonter à la chaleur du soleil et, soudain, il sut l'endroit où était plantée la lance de Roc Dur, sentit la douleur du poison voyageant à travers son corps. À chaque mouvement, chaque torsion, le poison ralentissait son cœur, et la douleur irradiait : dans son ventre, les articulations de ses nageoires, et même dans les grands muscles de sa queue.
    La sécurité régnait dans les profondeurs marines. Il ferait surface pour prendre de l'air, mais à chaque plongeon il aurait moins de force, jusqu'à ne plus pouvoir plonger du tout. Les vagues cognaient contre lui, le blessaient en se pressant sur sa peau, mais il devait rester en haut, près du vent, près du vent...
    Quelque chose coupa sa lèvre. Une petite douleur parmi de nombreuses douleurs, mais il était incapable de bouger.
    — Tueur de Baleines.
    Les rochers creusaient des galeries dans son ventre, arrachaient sa peau. Il n'y avait pas d'eau et le poids de son corps s'écrasait sur lui-même. Il ne pouvait pas respirer, pas respirer, pas respirer...
    — Tueur de Baleines.
    Il ouvrit les yeux et plongea le regard dans le visage d'Épouse Dodue.
    — Tueur de Baleines, la baleine est là. Viens. Tu dois manger la portion du chasseur.
    Samig secoua la tête, essayant de comprendre les mots d'Epouse Dodue.
    — La baleine, dit-elle. Elle est sur la plage.
    Samig se leva et, s'appuyant sur le bras d'Épouse
    Dodue, il sortit dans la clarté du

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