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Ma soeur la lune

Ma soeur la lune

Titel: Ma soeur la lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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pouvait donner aucune réponse. Il s'apprêtait à gagner sa chambre quand il entendit les paroles d'Épouse Dodue, presque douces :
    — Il y a trop de viande pour nous. Nous avons suffisamment pour deux, trois hivers. Demande aux chasseurs de négocier avec les Premiers Hommes. Dis-leur d'être généreux.
    — Peut-être un voyage de troc, marmonna le vieil homme. Je parlerai aux autres chasseurs. Mais Tueur de Baleines reste ici. Je ne veux pas qu'il retourne. C'est trop tôt.
    La colère brûlait la gorge de Samig. Ainsi, malgré la cérémonie, malgré les baleines que son esprit avait amenées, il était homme, mais pas homme; son opinion se réduisait à rien.
    Combien de phoques fallait-il pour fournir suffisamment d'huile à un homme pendant un an? Vingt-cinq, trente ? Sans Samig — très habile —, et avec Qakan — inutile —, son peuple aurait du mal à en ramener assez. Si les Chasseurs de Baleines étaient prêts à échanger de l'huile de baleine contre des couteaux, des nerfs de caribou...
    Remarquant qu'Épouse Dodue le regardait du coin de l'œil, Samig disparut en hâte dans sa chambre. Il prit le panier dans lequel il rangeait ses têtes de lance, laissa courir ses mains sur les flancs lisses du panier, et songea à ce que Nombreuses Baleines lui avait dit au sujet de Kayugh. Kayugh n'était pas son père. Mais un homme qui élevait un garçon, le nourrissait, lui enseignait la chasse, n'était-il pas un véritable père ?
    Samig enfila son parka, pas celui qu'Épouse Dodue lui avait donné, mais celui que sa mère lui avait cousu avec des peaux de macareux, quitta sa chambre et, se dirigeant vers le rondin sans un regard pour Épouse Dodue ou Nombreuses Baleines, sortit sans un mot.
    Coupant par le flanc de coteau qui s'élevait au-dessus de l'ulaq de Roc Dur, il traversa l'ivraie qui arrivait à hauteur de poitrine pour laisser place à la camarine et aux premières mousses qui envahissaient les pentes rocheuses.
    Il entendit le murmure avant de voir la main et perçut le sifflement.
    — Chut! Du calme.
    La main saisit son poignet et l'attira dans l'herbe. Un instant plus tard, ses yeux plongeaient dans les yeux noirs de Panier Moucheté.
    Elle était nue, son tablier plié sur l'herbe à côté d'elle, son suk sous elle comme une natte de couchage. Sa bouche s'ourla d'un sourire.
    — En général, j'attends Oiseau Crochu, dit-elle. Mais il n'est pas venu, aujourd'hui.
    Samig s'arracha à son étreinte, se releva, mais Panier Moucheté le regarda à travers ses cils, esquissant une moue.
    — Tu es un homme, maintenant, minauda-t-elle en se caressant le menton du bout des doigts. Tu as chassé des baleines. As-tu peur des femmes ?
    Oui, je suis un homme, se dit Samig, quoi qu'en pense mon grand-père. Samig s'accroupit près de Panier Moucheté et tendit les mains pour y enfermer ses petits seins. Elle glissa sous le parka de Samig et lui caressa l'intérieur des cuisses. « Que feras-tu si Nombreuses Baleines l'apprend? » murmura une voix en lui.
    Mais il laissa ses yeux suivre ses mains et respira l'odeur chaude de la femme tandis que Panier Moucheté ouvrait les genoux. Pourquoi s'inquiéterait-il de l'opinion de Nombreuses Baleines? Le vieil homme s'intéressait-il à lui ?
    29
    Après leur dispute, Samig avait compris la dureté de l'homme qui était son grand-père. Et maintenant, devant les chasseurs du village, il éprouvait une fois de plus son obstination et son inflexibilité que dissimulaient ses paroles persuasives.
    — Nous troquons, alors? s'enquit Nombreuses Baleines.
    Personne ne répondit et Samig crut que tout le monde était d'accord. Certains s'étaient déjà levés, scrutant l'horizon, observant la mer, guettant le ciel. Mais, à cet instant, Roc Dur se leva à son tour, quelques hommes serrés contre lui. Samig s'aperçut alors que Nombreuses Baleines se raidissait, le regard empreint de tristesse.
    — Tu as tort, objecta Roc Dur posément.
    Samig se tenait derrière le cercle des hommes,
    mais sentait pourtant les mots se projeter avec force.
    — Les femmes doivent travailler plus dur, faire sécher la viande et stocker l'huile afin que nous puissions nous nourrir pendant de nombreux mois. Peut-être l'an prochain n'y aura-t-il plus de baleines.
    Nombreuses Baleines repartit avec calme :
    — Nous échangerons de la viande contre de la viande. Phoque contre baleine.
    — Cela ne se discute pas, reprit Roc Dur, mais l'huile? L'huile de phoque n'est

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