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Ma soeur la lune

Ma soeur la lune

Titel: Ma soeur la lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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flotteurs destinés aux lions de mer.
    Puis ses pensées dévièrent vers Kiin et il songea à son habileté à créer des mélopées, à sa voix pure et claire lorsqu'elle chantait afin de plaire aux esprits. Pourtant, un esprit lui murmura : « Tu porteras malédiction à ta chasse si tu penses aux femmes. »
    Alors, Samig emporta la tête de harpon dans sa chambre et la posa dans le panier de fanons de baleine que sa mère lui avait fabriqué. Il la conserverait là avec les lames et les têtes de harpon qu'il avait apportées de chez les siens, le paquet de plumes de son premier oiseau et un morceau de cuir de son premier phoque. Il garderait la tête de lance jusqu'à ce qu'il ait spécialement besoin de sa force. Replaçant le couvercle sur le panier, il caressa de ses doigts l'œuvre de sa mère, songeant à celui qu'il était devenu, l'homme de deux peuples.
    À vivre chez les Chasseurs de Baleines, il avait commencé à se voir comme un enfant et non comme un homme. Épouse Dodue était prompte à le corriger — sa façon de parler, ses habitudes —, et Samig avait souvent le sentiment que, si elle le pouvait, elle irait dans sa tête pour modifier ses pensées.
    Samig posa le panier dans les plis de sa robe de nuit et regagna la salle commune. Il étira les bras au-dessus de sa tête et sauta pour toucher les chevrons en mâchoire de baleine. Il aurait voulu être dehors à courir et à sentir le vent.
    Privé de soleil et de marées, Samig ne savait pas depuis quand il était dans l'ulaq, ni le temps qu'il restait avant le début du repas de fête. Il savait qu'il y aurait encore de la lumière dehors lorsque la cérémonie débuterait. La fin de l'été approchait, mais le soleil possédait encore suffisamment de force pour offrir de longues journées. On repérait désormais moins de baleines qu'au printemps, mais les caches du village étaient déjà pleines et, quand on apercevait une baleine, on donnait à un plus jeune l'occasion de la harponner.
    Samig songea à ces jours passés chez Nombreuses Baleines. Tel le lion de mer, le vieil homme était raide et lent sur terre, habile et gracieux dans l'eau. Son ikyak semblait faire partie de lui, sa pagaie une extension de ses bras.
    Samig s'était toujours cru adroit dans le maniement de son ikyak, jusqu'à ce qu'il voie Nombreuses Baleines. Même Kayugh ne pouvait être comparé au vieil homme, et Samig s'aperçut bientôt qu'il progressait énormément grâce à l'enseignement de son grand-père.
    Nombreuses Baleines l'emmenait dans les mers les plus déchaînées et lui montrait l'intérêt de la flexibilité et de la souplesse de la contre-quille en trois parties des Chasseurs de Baleines, qui permettaient à l'ikyak d'épouser le mouvement de la houle.
    Les Chasseurs de Baleines utilisaient une pagaie double-face et, si Samig la trouva d'abord peu commode, il eut vite l'impression d'en avoir toujours eu entre les mains, d'avoir toujours ramé avec autant d'aisance et de rapidité. Il apprit à garder le silence dans le brouillard, quand le son portait facilement, à ramer au rythme des vagues. Il apprit à projeter sa javeline dans les vagues les plus hautes, son propulseur ferme et assuré dans sa main.
    Samig s'assit, ses pensées concentrées sur les baleines.
    — Observe-les dans l'eau, avait dit son grand-père. Observe-les. Pense à ce que ressent la baleine d'être si grande, de nager si loin, si profond dans la mer. Si en esprit tu peux devenir comme une baleine, tu sauras toujours comment viser.
    Pour un temps, assis dans l'ulaq, Samig essaya donc de devenir une baleine, de nager sous l'eau, de se déplacer avec la poussée de la mer. C'est alors qu'un faisceau de lumière descendit du toit de l'ulaq, laissant apparaître le visage rond d'Épouse Dodue qui lui dit de monter.
    Samig grimpa au-dehors. Il était nerveux et vaguement inquiet, mais se tenait épaules bien droites tandis qu'il suivait Épouse Dodue sur la plage. Le ciel lui apprit que le soleil se coucherait bientôt. Au nord et à l'ouest d'Atal, la petite montagne des Chasseurs de Baleines, les nuages étaient bordés de rose.
    — Assieds-toi là, ordonna Épouse Dodue. Tu vas recevoir des marques.
    Regardant autour de lui, Samig se demanda laquelle des femmes dessinerait les lignes noires qui marqueraient son menton et le proclameraient Chasseur de Baleines, homme.
    — Ne bouge pas, dit Épouse Dodue avec un sourire qui rappela à Samig qu'elle avait plaisir à régler

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