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Ma soeur la lune

Ma soeur la lune

Titel: Ma soeur la lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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Longues Dents tout en nouant une corde à son harpon, vérifiant ses flotteurs en même temps qu'il les libérait.
    Le visage d'Oiseau Gris s'assombrit. Amgigh, son courage aiguillonné grâce à l'intervention de Longues Dents, poussa soudain son ikyak vers la baleine. Une fois assez près, il lança son harpon qui atterrit avec perfection dans le flanc de la baleine.
    La baleine frémit, et Amgigh poussa un cri triomphant. Puis Longues Dents, Kayugh et Premier Flocon projetèrent leur lance. Bon dernier, Oiseau Gris en fit autant.
    La baleine se souleva, enveloppant les lignes autour de son corps et se glissant dans l'eau. La force du plongeon de l'animal ébranla l'ikyak d'Amgigh dans le sillage écumeux de l'animal. L'eau bouillonna et siffla par-dessus la proue. Amgigh s'aperçut que les autres chasseurs possédaient des lignes plus longues qui maintenaient leur embarcation à l'abri des remous.
    Une fois encore, la baleine fit une secousse. L'ikyak d'Amgigh filait dans l'eau, se tordant jusqu'à ce que la ligne se soit entourée deux fois à la proue. La corde se tendit à rompre. Amgigh entendit gémir le squelette de bois de son bateau.
    — Coupe la corde! Coupe la corde! s'écria son père.
    Amgigh tira son couteau de son fourreau ; mais à ce moment, la baleine se tourna de nouveau et la pointe de l'ikyak plongea dans l'eau. Soudain, l'embarcation se retrouva debout. Amgigh, penché en arrière pour maintenir son équilibre, serra sa pagaie à deux mains et son couteau lui échappa.
    La baleine plongea, entraînant Amgigh avec elle. L'eau salée lui piqua les narines. Il lâcha sa pagaie et manipula les nœuds de la jupe, mais, dans l'eau, ses doigts étaient lents et gourds.
    Bientôt, ses poumons le brûlèrent et il lutta contre l'envie de respirer. Quelle chance lui resterait-il s'il aspirait de l'eau?
    Au-dessous de lui, la baleine était noire et immense. Son harpon et ceux des autres scintillaient en un amas noir qui semblait s'échapper du flanc de la baleine.
    La baleine se retourna, enserrant davantage encore l'ikyak dans ses cordes. C'est alors qu'Amgigh remarqua une autre lance, une lance ornée de marques noires et de cercles blancs.
    La lance de Samig.
    Il sut. La baleine ne lui appartenait pas. C'était celle de Samig. C'était Samig qui l'avait envoyée et non quelque esprit. Samig. Oui, bien sûr, comment avait-il pu imaginer autre chose ? Tout appartenait à
    Samig. Samig avait pris le premier phoque; Samig lançait le javelot le plus loin ; Samig péchait le plus de poissons. Kiin, si elle était l'épouse d'Amgigh, avait appartenu à Samig. Qui ne le voyait pas chaque fois qu'elle regardait Samig? Et maintenant, cette baleine. Même la baleine. Toutes choses appartenaient à Samig.
    32
    Kayugh vit avec horreur l'ikyak d'Amgigh disparaître avec la baleine. Il avait tranché ses propres lignes de harpon et avait toujours son couteau en main. Soudain, avant que son esprit puisse lui donner une bonne raison de ne pas le faire, Kayugh déchira la jupe qui le liait au surbau de l'ikyak.
    Tandis qu'il plongeait dans la mer, Kayugh entendit faiblement la voix de Longues Dents :
    — Non-on-on-on...
    Kayugh nageait sous l'eau à grandes brasses désespérées. Son esprit répétait : Quelle profondeur? Six, dix, douze hommes de profondeur? L'eau se pressait autour de lui ; le froid ralentissait le mouvement de ses bras et l'engourdissait, même son cœur était au ralenti, il en sentait le battement contre ses oreilles. Chaque brasse l'enfonçait davantage dans l'obscurité. Il y avait des voix.
    L'homme est-il une loutre, qu'il sache nager?
    Tu penses qu'Amgigh est vivant? C'est impossible.
    Comment le trouveras-tu? Il fait trop noir. Trop noir.
    Puis il vit le visage de Chagak, les traits tirés de chagrin, marqué des cicatrices du deuil. Pour Amgigh ? Pour son époux ?
    Il allait faire demi-tour quand il distingua, dans la pénombre, l'ikyak dont les flotteurs de proue et de poupe provoquaient des tourbillons. Il fonça vers la baleine qui remontait en direction de Kayugh.
    Les poumons près d'éclater, Kayugh s'obligea à lutter contre le courant. Il tendit les bras vers l'ikyak, manqua son coup, essaya de nouveau, réussit à l'attraper, se hissa vers Amgigh, vers son visage blanc, vers ses yeux fixes, grands ouverts. Le noir envahissait l'esprit de Kayugh, ralentissait ses pensées, obscurcissait sa vision. La baleine ne plongeait plus, elle se tenait immobile dans le crépuscule de

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