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Madame Catherine

Madame Catherine

Titel: Madame Catherine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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avait fallu de peine à l’homme de l’art, d’humilité aussi pour atteindre cette maîtrise.
    — Plus j’avance en âge, dit-il, et plus je salue l’expérience. Dans tous les domaines...
    — C’est en forgeant qu’on devient forgeron, ironisa le maréchal.
    Gautier le savait mieux que personne : les Picards pouvaient se montrer moqueurs...
    — Voilà nos hommes qui ressortent, fit remarquer le commis.
    Il scrutait, de l’autre côté de la place, les trois inconnus qui, un peu plus tôt, étaient entrés à l’auberge. Les domestiques se frottaient le ventre dans l’attitude de clients repus, tandis que leur maître, déjà à cheval, attendait qu’ils enfourchent leurs mulets.
    — Je sens qu’ils vont venir par ici, subodora le commis.
    De fait, les trois voyageurs firent le tour de la fontaine et, sans se presser, vinrent mettre pied à terre à quelques pas de la forge. Le gentilhomme confia son cheval à l’un des valets ; il entra dans l’atelier et salua Gautier qui lui rendit la politesse.
    — Mes mulets se fatiguent, dit-il au maréchal avec un net accent du Midi ; il faudrait les ferrer.
    — Les deux ? Gros travail...
    — On a tout le temps.
    — Vous dormez à l’auberge ?
    Le gentilhomme ne répondit pas. Gautier se dit qu’il avait plutôt fière allure : le regard expressif, le sourire avenant, la taille haute avec de larges épaules... Il portait un pourpoint bleu de France en velours, un peu chaud peut-être pour la saison, mais parfaitement seyant.
    — Belle monture, ma foi, lança-t-il en flattant la croupe de la jument. C’est la vôtre ?
    Gautier renifla.
    — Elle est à mon frère.
    Il s’amusait vaguement de cette assurance un peu surfaite, et rangea d’emblée l’intrus au nombre de ces petits seigneurs méridionaux qu’il avait bien connus jadis, à Nérac, chez la défunte reine de Navarre. Chère et pauvre Marguerite...
    — Vous venez du Midi, relança-t-il par politesse.
    — Du Périgord ! se vanta l’autre.
    Et il se présenta sans ambages.
    — Godefroy du Barry, seigneur de La Renaudie, dit La Forest, pour vous servir !
    Il avait accompagné cette sorte de tirade de mouvements de chapeau que Gautier, en son for, jugea ridicules, et dignes d’un comédien plus que d’un hobereau.
    — Baron de Coisay, répondit-il sobrement.
    — Coisay ? Vraiment !
    La Forest partit d’un rire sec.
    — Eh bien, mon cher baron, clama-t-il en ouvrant aussitôt des yeux ronds, c’est le Seigneur qui vous envoie ! J’étais justement à votre recherche !
    Gautier, à la vérité, n’aurait pu en douter : ce voyageur un peu rude, à l’accent rocailleux, ressemblait trop aux anciens fidèles de la cour de Béarn pour n’avoir pas, de près ou de loin, partie liée à la Réforme. Or, depuis deux ans déjà, lui-même animait, à Saint-Pierre et dans les environs, une assemblée très active de la foi nouvelle. Aussi bien fit-il son possible pour se montrer aimable envers un « frère religionnaire » ; et ce, en dépit de sa réticence pour le côté bravache du personnage.
    — Vous pouvez parler en confiance, dit-il en désignant le maréchal-ferrant et son commis. Ces messieurs partagent notre foi.
    La Forest opina du chef. Il arrivait de Genève, expliqua-t-il, où il avait eu l’honneur insigne et la pleine joie d’entendre longuement Calvin lui-même.
    Là-bas, quelques membres éminents de la Communauté lui avaient demandé d’approcher la cour de France, et d’y sonder plusieurs personnages, dont MM. de Châtillon, neveux du connétable de Montmorency : François d’Andelot et Gaspard de Coligny passaient en effet pour très favorables à la Vraie Religion, encore que l’on ignorât jusqu’où leur soutien pouvait aller.
    — Je connais un peu l’un et l’autre, devança Gautier. Mais à mon grand regret, je dois vous dire que j’ai depuis longtemps quitté la Cour, et que je n’ai nulle intention d’y remettre les pieds !
    — C’est ce dont nous devons parler, répondit La Forest sans se décourager.
    L’artisan et son commis échangèrent un regard entendu : l’un comme l’autre auraient pu miser leur pécule sur la résolution du baron à se tenir à jamais éloigné de la Cour.

 
    Manoir de Coisay.
    — Si mademoiselle voulait m’aider à tirer un peu sur ce drap-
    La brave Nanon mettait, dans tout ce qu’elle faisait, un soin qui s’apparentait à de l’amour ; la regarder plumer un canard,

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