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Madame Catherine

Madame Catherine

Titel: Madame Catherine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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rétablir le rituel immuable de ses journées à Anet. Les grandes lignes en avaient été fixées, jadis, par son défunt mari, le grand sénéchal de Brézé. Levée avec le soleil, douchée d’eau de pluie, chevauchant tout le matin, elle rentrait sur les coups de neuf heures, s’allongeait jusqu’à onze avec toutes sortes de lectures, se relevait pour dîner, se faisait alors coiffer, parer, avant une visite au chantier de M. de L’Orme... Puis elle dînait d’un rien, recevait ses gens et, quelquefois, de grands invités ; répondait au courrier ; soupait tôt – avant sept heures – et se mettait au lit avant la nuit.
    Ce matin-là, elle achevait son déjeuner – toujours frugal – quand le maître d’hôtel vint lui glisser un mot à l’oreille.
    — Madame, il est arrivé.
    — Fort bien, qu’il patiente !
    Celui qu’on attendait n’était pas un visiteur ordinaire. Diane s’était personnellement enquise de son sort. Apprenant qu’il était en vie, elle avait fait chercher sa trace, puis l’avait fait convoyer jusqu’à son domaine du Vexin.
    — Habillez-moi, dit-elle en recrachant le noyau d’un abricot confit.
    Les servantes s’empressèrent de lui passer – coûteuse innovation – du linge blanc de soie brodée, tissé rien que pour elle à Orléans, puis un corset à buses {19} lui affinant la taille et faisant pigeonner sa poitrine. Enfin on lui passa le corsage de satin noir, tout liseré de perles fines, et l’ample jupe, d’un gris très pâle, qui vint recouvrir cette sorte de vertugadin atrophié qu’on appelait, en France, le « faux-cul ».
    — À présent, faites entrer, soupira Diane, abandonnant sa tête aux doigts experts de la camériste.
    Sa chevelure blond châtain, artistement reteinte pour en effacer les mèches déjà blanches, fut ramenée sur l’arrière du crâne, dans un mouvement qu’allaient retenir des peignes de nacre emperlée. Dans son grand miroir sur pied – que portaient les statuettes en ivoire de Diane et d’Apollon – elle scrutait la porte qui s’ouvrit pour livrer passage au visiteur.
    Au premier coup d’oeil elle le reconnut, quoique décharné, bossu, pliant sous le poids des ans.
    — Tu as beaucoup changé, dit-elle avec une pointe d’émotion.
    — Vous, madame, pas du tout, mentit le Vénitien. Ancora più bella !
    La duchesse fit signe au vieil homme d’approcher, et d’un geste presque absent, lui offrit de s’asseoir. Il le fit avec la précaution des grands vieillards.
    — Te rappelles-tu la prédiction que tu m’as faite, jadis ? À Amboise... Tu m’avais assuré que le petit prince Henri, un jour, deviendrait roi... Et que moi-même...
    — Si, si..., approuva le vieux mage. C’était à Blois, madame... Il y a plus de trente ans {20} ...
    — À Blois, je m’en souviens.
    — J’avais vu, dans le miroir, que votre petit prince avait le membre tout contrefait.
    — Qu’importe ! coupa Diane.
    Elle rougit à l’évocation de cette infirmité intime, que si peu de gens connaissaient. Diane arbora son sourire le plus figé.
    — J’ai souhaité te revoir pour rendre justice à ta clairvoyance ; car finalement, tout est arrivé.
    — Buono !
    — Simplement... Il me semble que tu voyais le roi mourir assez jeune... Vers quarante ans, je crois...
    — Je ne m’en souviens pas, s’excusa prudemment le vieillard.
    Diane le toisa, glaciale.
    — Regardons ! proposa-t-elle.
    — C’est que... Purtroppo {21} , je n’ai plus ce miroir... On me l’a volé...
    — Si ce n’est que ça, j’en possède de toutes les tailles, de toutes les formes.
    — Mais ce miroir était spécial...
    — Fadaises ! trancha Diane qui sentait monter en elle colère et frustration. Nous allons essayer avec cette petite glace carrée ; c’est la même que celle que tu utilisais, n’est-ce pas ?
    Il la regardait d’un air désemparé.
    — Eh bien, réponds !
    — Elle lui ressemble, concéda le mage. Mais ce n’est pas la même...
    Il y avait dans sa voix geignarde une telle tristesse que Diane fît l’effort de se montrer plus aimable.
    — Je ne voudrais pas m’emporter, dit-elle. Simplement, mon impatience est grande.
    — Je veux bien essayer...
    Le mage tourna la petite glace en tous sens puis, ayant apparemment trouvé l’angle adéquat, se concentra. Il resta longtemps immobile, les paupières à demi closes... Diane craignait qu’il se fût endormi quand tout à coup il écarquilla

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