Madame Catherine
personnel, mais il irritait un peu Diane de France, que sa position malaisée rendait plus sensible, peut-être, à certains ridicules.
— Vous n’étiez pas en danger de mort, se moquat-elle sans méchanceté.
La remarque froissa la reine d’Écosse.
— Vraiment ? reprit-elle. Et qu’en savez-vous donc, vous qui étiez tranquillement à l’abri dans ce pavillon ?
— Ce n’est jamais qu’un coup de vent...
Marie Stuart s’était avancée vers elle, fronçant les sourcils comme si un taon, ou même une araignée, avait été pendu à la robe de Diane.
— Mais... Qu’est-ce donc ? demanda-t-elle en feignant de tomber des nues.
— De quoi parlez-vous ?
— De ceci !
La jeune reine désignait, sur le décolleté de la bâtarde, le bord d’une chemise dérangé dans l’agitation de la tempête. Une chemise d’un rouge pur et vif.
— Ainsi, vous arborez maintenant des chemises cramoisies !
— Je l’ai toujours fait...
— Aggravez donc votre cas !
Marie Stuart éclata de son rire cristallin, haut perché. Elle trouvait comique que cette Diane de France, enfant légitimée, s’autorisât à porter sur elle une couleur absolument réservée aux princes et aux princesses. Les autres rirent un peu, pour la suivre... Quant à Diane, humiliée jusqu’au fond de l’âme, elle feignit de se mêler à l’hilarité générale, mais dut prendre sur elle de ne pas éclater en sanglots.
« C’est bien fait, se répétait-elle en elle-même ; Dieu punit mon orgueil. »
Le soir même, on convoqua les médecins au chevet du dauphin François. Le vent – ou la poussière – avait ravivé sa vieille infection des oreilles, provoquant chez le jeune prince des douleurs intolérables.
À son chevet, tout éplorée, Marie chantonnait de douces berceuses, avec l’espoir de l’apaiser un peu. À la voir dans ce rôle de garde-malade aimante et bienveillante, on n’aurait jamais pu la croire capable des morsures les plus aiguës.
Chapitre IV
Le martyr
(Printemps et été 1554)
Il ne manquera pas de lecteurs, je le crains, pour regretter que j’aie osé, si tôt, mener mon protagoniste au bûcher. Mais c’était un moyen que j’ai cru efficace de faire mieux sentir la violence et l’arbitraire de cette répression religieuse.
Château d’Anet.
La duchesse brûlait d’impatience. Depuis deux heures au moins, une file de chariots déversait pour elle de grandes caisses dans la toute nouvelle cour des communs. Le duc Hercule d’Esté, diplomate efficace à défaut d’être subtil, envoyait depuis Ferrare de quoi meubler entièrement la chambre principale d’Anet, dont son ambassadeur, Alvarotto, lui avait procuré les plans.
— N’a-t-on rien vu de si magnifique ? demandait Diane à ses femmes, en battant des mains.
Dans de tels moments, transparaissait en elle la petite fille espiègle et vive, étouffée dès l’adolescence par sa discipline et sa maîtrise d’elle-même.
— Et si nous allions jeter un oeil ?
— Madame, on nous a demandé d’attendre !
À mesure qu’on les déchargeait, les caisses étaient montées au premier étage, déclouées, débarrassées de la paille et vidées de leur précieux contenu. L’envoyé du duc de Ferrare, un certain Zerbinato {25} , supervisait ce déballage ; il avait supplié Diane de lui laisser juste le temps de mettre les choses en place.
— Tendez-moi ces cuirs, allons ! Plus vite ! se lamentait-il, conscient de l’impatience de la duchesse.
Si vous ne changez pas de cadence, Madame sera ici avant que nous n’ayons rien présenté.
C’est exactement ce qui arriva : deux pièces de cuir, gaufrées et dorées, étaient à peine tendues que Diane, n’y tenant plus, usait de ses prérogatives pour rompre sa promesse et faire irruption au milieu des caisses que l’on déballait.
— Madame, vous m’aviez promis...
— L’envie a été plus forte, il faut que vous m’en excusiez.
Déjà, elle s’étourdissait, et ses femmes avec elle, de la splendeur des présents expédiés par le duc italien. Les sièges, notamment, la ravirent. Tandis qu’on les extirpait de leurs boîtes, la duchesse approchait pour en palper l’étoffe, en caresser le bois, en admirer la sculpture dans le moindre détail. Et quand ce fut au tour du grand fauteuil d’apparaître, ses cris de joie redoublèrent.
— Voyez comme cela est fait ! répétait-elle à sa camériste.
Et de s’asseoir, et de se
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