Madame Catherine
possédait déjà la plus vaste expérience...
— Maréchal, s’insurgea Catherine, faites-moi l’amitié de croire que, dotée d’un pouvoir aussi étendu que celui d’abord promis par le roi, j’aurais eu la sagesse de n’en user qu’avec sobriété. Que, consciente plus que vous, peut-être, de mes insuffisances, je l’aurais borné de moi-même, et appuyé en tout sur les conseils de mon...
Catherine ne put aller au bout de sa phrase ; elle s’était mise à tousser, tousser si fort que les témoins songèrent à une rechute. On la calma, elle essuya des larmes.
— Écrivez ! ordonna-t-elle au secrétaire qui, sous sa dictée, avait déjà tracé l’essentiel de la lettre au connétable. « Aussi bien, mon compère, j’aurai garde avant tout d’obéir au roi, sans me plaindre aucunement. Mais qu’on ne vienne pas me mander de transmettre ces lettres au Parlement afin qu’il les enregistre, car je m’y refuserais. Je préfère les conserver dans mes coffres. Tant il est vrai que leur publication diminuerait, au lieu de l’augmenter, l’autorité que chacun me prête, ayant l’honneur d’être ce que je suis pour le roi. »
La lettre fut confiée au premier messager et pendant deux jours, trois jours même, rongée d’impatience et de colère rentrée, Catherine attendit la réplique de Montmorency.
Ce fut le roi qui répondit.
En termes brefs et nets, il priait simplement son épouse de faire enregistrer l’acte de régence, tel quel, et de se plier à ce qu’il prévoyait, sans y rien changer.
La plupart des femmes, devant un désaveu aussi cinglant, se seraient ou révoltées, ou effondrées. Catherine de Médicis ne fit rien de tel ; estimant sans doute qu’elle avait agi trop vite, et que son heure n’était pas venue, elle se contenta de louer la sagacité de son mari, pria le Ciel de le lui conserver longtemps et mit un point d’honneur à obéir à ses volontés.
Château d’Anet.
L’eau froide, versée par deux servantes à l’aide de hautes aiguières, était tirée d’un puits souterrain, à l’abri de la lune et de ses influences, jugées douteuses. Diane de Poitiers, accroupie dans une vasque d’argent parée de lin très fin, laissa cette pluie saisissante et bénéfique inonder son visage, son cou, sa gorge, son corps entier comme un baume d’éternelle jeunesse. Certes, la belle dame d’Anet usait aussi d’onguents supposés lui soigner le teint ; certains murmuraient même qu’elle absorbait quotidiennement une décoction d’or potable... Mais à l’en croire, tout le secret de sa jouvence résidait dans cette simple ondée matinale.
Avant qu’elle ne se relevât, la naine Barbe, qui depuis quelques années l’accompagnait partout, lui couvrit les épaules d’une sorte de chemise longue, très ample, ouverte sur le devant. Diane vint s’asseoir à ses miroirs et, dénudant son buste à nouveau, entreprit d’inspecter les éventuels ravages du temps sur la souplesse et l’éclat de la peau, le maintien et le galbe des seins...
Elle se frictionna elle-même d’une lotion d’huile de courge et de camphre, après s’être enduit les mains d’une pâte au citron et au sucre candi ; pour les dents, elle usait d’une poudre où entraient des ingrédients de sorcière : corail rouge, sang-de-dragon, noyaux de pêche et os de seiche {18} ...
Diane se fit apporter une sobre tenue de cavalière. Ce jour était un grand jour : pour la première fois depuis le fâcheux accident de Romorantin, deux ans plus tôt, elle allait reprendre ses chevauchées matinales. Au fond d’elle-même, une pointe d’appréhension la tenaillait : c’était une chose de remonter de paisibles haquenées pour des périples au pas, en cortège ; c’en était une autre, après deux ans, de se relancer au galop sur le dos d’un coursier.
— Quand je pousse un cheval en pleine campagne, disait la duchesse, il me semble sentir mon père, à mes côtés. J’ai treize ans, dans ces moments-là...
Elle se rendit aux écuries à pied. Un palefrenier l’attendait, tenant à la bride une très belle jument grise, bien nerveuse. Diane gravit le marchepied, s’installa en amazone sans le moindre embarras et, rejetant toute hésitation, lança la monture au petit trot vers les bois, le vallon, les champs propices aux courses folles...
C’était l’autre secret de sa perpétuelle jeunesse.
Ayant repris ses chevauchées, la duchesse de Valentinois put
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