Madame Catherine
exécutée.
Henri demeura muet un moment, comme hébété.
— Ne me dites pas... Monsieur, ce Caboche a-t-il été tué ?
— En effet, sire. On l’a pendu. Aux Halles. Ce midi même.
— Ah, les scélérats, souffla le roi, soudain décomposé. Ils ont osé ! Ils ont osé me faire cela : escamoter le meurtrier dans l’heure, pour l’empêcher de dire ce qu’il savait peut-être...
La duchesse de Valentinois toisa l’homme de la chancellerie.
— Les pires assassins, dans l’affaire, sont ces messieurs du Parlement. Il faudra bien, un jour, faire tomber le masque à ce nid d’hérétiques !
Le roi, livide et interdit, secouait lentement la tête.
— Ils ont osé, répétait-il tout bas.
Diane fit un geste au conseiller, qui fut trop heureux de décamper.
— Oui, conclut-elle, ils ont osé. Ils ont osé, parce que vous, vous n’osez pas. Allez au Parlement, assistez à leurs séances ! Forcez-les à se dévoiler en votre présence. Et puis saisissez les meneurs, punissez-les, terrorisez les autres ! Un parlement efficace est un parlement qui a peur.
Chapitre VII
Le roi chevalier
(Printemps et été 1559)
Ce chapitre est le seul qui, comme dans les volumes précédents, suive pas à pas la chronique. Il est vrai que les sources abondent sur le tragique été 1559, l’arrestation du conseiller Du Bourg et la mort du roi Henri II. On ne sait rien, en revanche, de l’attitude et des réactions de Diane de Poitiers, si ce n’est sa réponse à la réclamation des joyaux, que je n’aurai fait que reprendre.
Paris, hôtel royal des Tournelles.
Debout dans l’embrasure d’une fenêtre, le roi Henri observait, au-dehors, le travail de soldats qui, en dépit d’une pluie battante, s’activaient à dépaver la rue Saint-Antoine – la plus large de Paris. Il s’agissait d’y installer des lices de tournoi.
— Je tiens à l’éclat de ces fêtes, dit-il à l’intention des dignitaires réunis en conseil restreint. Il y va du succès de la paix.
Quelques semaines plus tôt, en effet, le traité du Cateau-Cambrésis avait mis fin aux hostilités. Chose étrange : les tractations préalables avaient été conduites, côté français, par des prisonniers mis en liberté temporaire, sur ordre du roi d’Espagne : les maréchaux de Montmorency et de Saint-André ! Autant dire que ces deux-là n’avaient pas négocié les mains libres, et que le souci de leur propre sort, joint à la crainte de voir les Guises mettre la Cour en coupe réglée, les avait incités à accepter des conditions très dures, et même scandaleuses.
En vérité, les pertes territoriales, pour la France, étaient si lourdes – en Italie du moins – que l’on s’insurgeait partout contre une paix acquise à n’importe quel prix ; et le duc de Guise orchestrait lui-même ce concert de plaintes. Ainsi le roi devait-il payer de sa personne pour faire accepter l’inacceptable et ce ne seraient pas trop de grandes réjouissances pour dorer cette amère pilule.
— Où en sont les envoyés du roi d’Espagne ? demanda la duchesse de Valentinois.
— Ils seront ici dans dix jours, tout au plus, répondit le duc de Lorraine.
Pour entériner cette paix saumâtre, deux grands mariages avaient été conclus : celui de la fille aînée du roi, Élisabeth, avec Philippe II en personne ; et celui de sa soeur, Marguerite de Valois, avec le duc de Savoie. Le roi Philippe, jugeant indigne de son importance un déplacement jusqu’à Paris, avait confié au duc d’Albe le soin de le représenter dans les cérémonies nuptiales.
— L’arrivée des Espagnols, reprit Diane, devrait nous conduire à plus de rigueur sur le chapitre de la religion.
— Certes, certes, approuva le cardinal Bertrandi, garde des Sceaux.
C’était un homme aussi doucet de visage qu’il était rude au fond. Il agita son bonnet carré de velours noir.
— Et d’autant plus, ajouta-t-il, que les Réformés doivent très bientôt se réunir ici même, en grand secret...
— Et que le Parlement de Paris les porte à bout de bras, siffla le cardinal de Lorraine.
Cet homme raffiné, volontiers insinuant par nature, s’était beaucoup endurci au feu des événements. Il arborait un visage plus fermé chaque jour, et plus intransigeant. En privé comme au Conseil, il ne parlait plus que d’extirper l’hérésie et d’arracher les racines du mal. Arrêter, torturer, exécuter était devenu chez lui des obsessions ;
Weitere Kostenlose Bücher