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Madame Catherine

Madame Catherine

Titel: Madame Catherine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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pas des yeux le Premier président.
    — Est-il vrai, monsieur, que vos magistrats sont, pour certains, de véritables ennemis de la religion ?
    — Sire, il n’y a pas moyen de leur donner un autre nom.
    Henri hocha la tête en silence. Il paraissait plus embarrassé que jamais.

 
    Paris, couvent des Grands Augustins.
    Ce 10 juin, le Palais de la Cité étant occupé par les préparatifs des mariages, la mercuriale se tint tout près de là, chez les Grands Augustins de la rive gauche. Tandis que les orateurs, un peu déconcertés par ce changement, insistaient sur les vertus de la clémence en fait de religion, le Premier président Le Maistre, plus irrité que jamais de leur impertinence, rongeait son frein en contemplant le trône vide qui, lors de toute séance plénière, se devait d’orner la grand-salle.
    Le très lettré Claude Viole, qui pour l’heure avait la parole, prêchait la tolérance, à son habitude.
    — Seul un concile oecuménique, disait-il, ouvert et dépourvu de tout dogmatisme, permettrait de rétablir la paix dans toutes ces âmes chrétiennes...
    Il fut interrompu par le tumulte de portes qui s’ouvraient, et par l’irruption de la garde royale. Les magistrats, surpris, se levèrent à l’entrée du connétable de Montmorency, de plusieurs prélats en camail, puis des grands officiers de la Cour précédant le roi en personne.
    La face du Premier président s’illumina.
    — Sire, lança-t-il d’une voix vibrante d’émotion, que Votre Majesté soit la bienvenue en cette mercuriale qui devient donc lit de justice {59} .
    Le monarque, dont le visage était plus fermé peut-être que de coutume, salua brièvement et vint s’asseoir sur le trône installé dans l’angle. À sa droite, raide comme un piquet, le garde des Sceaux annonça qu’il s’agissait d’une visite informelle et que le roi n’entendait en rien troubler le déroulement des débats.
    — Monsieur le procureur général, précisa-t-il, il n’est pas d’usage que les parlements débattent de religion sans y avoir été conviés par le roi. Mais puisque déjà vous avez passé outre, l’intention de Sa Majesté est que la délibération suive son cours. Que ces Messieurs continuent donc de s’entretenir librement, et sans se réfréner en rien !
    Saisis d’une telle prière, où certains crurent entendre des garanties, les magistrats ne furent que trop heureux de pouvoir s’adresser directement au roi. Le calme revint donc et les interventions reprirent normalement, quoique chargées d’une intensité nouvelle. Après Viole, ce fut au jeune et très éloquent Louis du Faur de dénoncer certains abus régnant dans l’Église.
    Pendant qu’il parlait, Henri II, apparemment pénétré d’une attention neutre, donnait le sentiment de boire ses paroles. C’est à peine s’il échangeait, de temps à autre, un regard furtif avec le cardinal de Lorraine.
    — Sire, tonnait Du Faur, à ceux qui accuseraient ces pauvres gens de semer le trouble en votre royaume, je répondrai par ces mots du prophète Élie au roi Achab : « Je ne trouble point Israël ; c’est toi, au contraire, et la maison de ton père, qui le faites, puisque vous avez abandonné les commandements de l’Éternel ! »
    Henri reçut cette diatribe comme une attaque ; il se raidit, laissant voir que le coup avait porté. Vint le tour du conseiller Anne du Bourg, féru de théologie et défenseur attitré de la Réforme. Ce petit homme sans grande allure, humble et droit néanmoins, s’avança vers le milieu de la salle en faisant, selon l’usage, trois révérences en direction du trône. Puis il leva les yeux au ciel et parla d’une voix étonnamment limpide.
    — Je rends grâce à Dieu du privilège insigne qu’il m’accorde, de prendre la parole devant un si grand roi, et pour le conseiller en une matière de telle conséquence. Aussi formé-je le voeu qu’à l’exemple du bon roi Josias, notre puissant souverain puisse enfin donner ordre à ce que le pur et vrai service de Dieu soit rétabli dans son royaume.
    Cette entrée en matière, placée d’emblée sous l’invocation de l’Ancien Testament, suscita l’irritation du cardinal de Lorraine et du garde des Sceaux, pour ne rien dire du Premier président. Henri, lui, ne bronchait pas. Le conseiller Du Bourg, beaucoup plus hardi que son maintien modeste n’aurait pu le laisser présager, se lança dans une défense ouverte des « nouveaux évangélistes »

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