Madame Catherine
son cheval et, dès qu’elle fut à sa portée, il la hissa devant lui et relança l’animal sans un mot.
Françoise et son oncle avaient quitté Noizay juste à temps : dans les deux heures qui suivirent, le duc de Nemours, envoyé par François de Guise, allait placer des hommes partout aux alentours, interdisant la moindre sortie, maîtrisant le plus secret accès. Or, au lieu de faire prendre le château d’assaut – ce qui eût mobilisé des forces et généré des risques –, le duc, sur les conseils de Montmorency, choisit de mettre simplement la main sur tous ceux qui, en ordre dispersé, gagnaient le nid des conjurés ou bien s’en échappaient...
Ainsi furent pris, par traîtrise et sans pouvoir opposer la moindre résistance, les barons de Castelnau, de Mazères, de Raunay – le propriétaire des lieux... La surprise et la colère aidant, tous perdaient leurs moyens et devenaient des proies faciles.
— Jurez, leur disait le duc, que vous n’avez jamais souhaité rien attenter contre la Majesté du roi, et vous serez honorablement traité, dans un souci de concorde et d’apaisement.
Qu’ils aient ou non cru de tels serments, tous jurèrent d’autant plus volontiers qu’il n’était jamais entré dans l’intention des conjurés de s’attaquer aux jeunes souverains. Les Guises seuls étaient visés... Naturellement, une fois menés à Amboise, ils étaient jetés au cachot, maltraités, torturés, en attendant une sanction que l’on avait prévue sans pitié.
À la fin, la place était assez dégarnie, assez privée de tout secours possible, pour que Nemours s’en emparât à peu de frais. Ceux qui survécurent à l’incursion finale furent mis à la chaîne comme des forçats, et conduits sans ménagement jusqu’aux caves d’Amboise, hâtivement converties en prisons de fortune.
C’est un rescapé de cet ultime assaut qui, fuyant à travers bois quoique blessé, fut repéré bien plus loin par Simon, et livra la terrible nouvelle aux Coisay, dans son dernier souffle. Françoise, affolée, supplia son oncle de la laisser partir seule, pour plus d’efficacité, prévenir La Forest. C’était un nouveau sacrifice qu’elle lui mendiait ; ce fut un nouveau sacrifice qu’il lui fit, à la condition tout de même qu’elle consentît à le retrouver, sous la vieille halle d’Amboise, cinq jours plus tard, le 20 mars, à midi sonnantes. Elle promit tout ce qu’il voulut, et enfourcha comme un homme le cheval blanc qu’elle lança tout de suite au galop.
Simon, le coeur serré, ne put que voir s’éloigner et disparaître cette nièce impossible, qu’il semblait condamné à toujours perdre, toujours sauver, toujours reperdre.
Aux environs d’Amboise.
En vérité, Françoise avait eu grand mal à retrouver la trace de Godefroy. Il lui avait fallu deux jours et deux nuits pour rejoindre les derniers conjurés ; encore n’était-elle tombée que par hasard sur leur curieuse troupe, et bien après que l’offensive fut officiellement lancée.
— Noizay est tombé ! cria-t-elle en direction de La Forest, sitôt qu’elle fut à portée de voix. Noizay est tombé !
Le chef leva la main pour arrêter sa horde, et maintint le bras grand ouvert pour l’attraper et la serrer contre lui. De selle à selle.
— Veux-tu un cor de chasse, pour faire encore plus de bruit ? feignit-il de la gronder.
La jeune femme se mordit les lèvres. Elle salua les autres conjurés, tous silencieux et tristes. On se remit en route.
— Françoise, lâcha Godefroy dans un soupir, je connais la sinistre nouvelle depuis une bonne journée, déjà.
— Mais comment ?
— As-tu déjà vu un pigeon ?
Elle se tut un long moment, vexée.
— Mais dans ce cas, demanda-t-elle en réalisant la situation, où courez-vous ainsi ?
— Nous courons à la mort, répondit-il.
Françoise se dit qu’à leur visage, à leur mutisme, tous ceux qui l’accompagnaient auraient pu n’être, de fait, que des morts vivants.
— Godefroy, s’angoissa-t-elle, que signifie cet acharnement ? La conjuration est éventée, et...
— Peut-être, mais ce qu’il reste de conjurés se battra jusqu’au bout.
— C’est pure folie, dit-elle.
La Forest marqua un temps de réflexion, ou bien de lassitude... Puis il jeta un regard sépulcral dans celui de son amie.
— Ce que tu taxes de « pure folie » aurait pu réussir ; et tu l’appellerais alors « pur génie ». Il y a si peu, de
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