Madame de Montespan
fatal procès-verbal d’ouverture) saura convaincre les spécialistes que Madame avait été emportée par une péritonite aiguë.
Mais ce qu’il faut lire surtout, pour être édifié, ce sont les élucubrations des Diafoirus qui prétendaient connaître les véritables causes du décès. L’un écrira : « Madame est morte parce qu’elle a souffert du mal de mer, qui agite la bile et qui fait que quelques personnes tombent paralytiques. » L’autre de préciser « qu’elle avait pris du chocolat en passant la mer, ce qui l’avait fort échauffée ». Le troisième prétendait que « sa bile s’était avariée sous l’effet de la joie et de l’allégresse qu’elle avait éprouvées en revoyant son frère »... un quatrième aurait pu ajouter : « Madame est morte... et voilà pourquoi elle n’est plus en vie ! »
La cour commençait donc à dégager comme une odeur de poudre de succession ! Les Borgia avaient-ils fait des émules à Saint-Germain ? Les élixirs romains avaient-ils envahi Paris ? Il paraît, en effet, que l’aristocratie italienne usait et abusait alors des poisons. À la fin des agapes, il n’était pas rare de voir un seigneur s’affaisser lourdement après avoir consommé un dessert vénéneux : vengeance d’un mari ou d’une amante, précaution d’un rival. Il paraît qu’au moment des conclaves les papabile tombaient comme des mouches après avoir trempé leurs lèvres dans un spumante concocté par tel ou tel alchimiste réputé. Et il paraît que les nièces de feu Mazarin, les soeurs Mancini, en particulier Olympe et Marie, n’étaient pas étrangères à l’arrivée sur la place de Paris de ces mixtures méphitiques.
Olympe, comtesse de Soissons, sera d’ailleurs officiellement compromise dans la grande affaire des poisons que nous distillerons le moment venu. Quant à Marie, premier bel amour de Louis XIV (« Vous êtes Roi, vous pleurez et je pars ! »), devenue l’épouse d’un connétable de Naples, un Colonna jaloux et violent, elle se mit à fréquenter souvent les astrologues louches.
Mais laissons là, pour l’instant, les relents de soufre qui empestent la cour et brûlons plutôt l’encens en l’église des Filles-Dieu de Paris en compagnie de Mgr Harlay de Champvallon, d’une légion de prélats et de la Reine elle-même. Nous sommes le 8 février 1671, nous assistons à la bénédiction de la trente-troisième abbesse de Fontevrault : elle a nom Marie-Madeleine de Rochechouart, elle est la soeur cadette d’Athénaïs. Un joli visage, mais une belle figure surtout, que cette Marie-Madeleine, et qui méritera que l’on se penche sur elle un moment. D’ailleurs il n’est pas de mémoires ou de lettres du temps qui ne chantent sa louange. Saint-Simon, par exemple, écrira en 1715, lorsqu’elle aura rendu son âme à son Seigneur et maître : « Mme de Fontevrault était celle des trois soeurs qui avait le plus d’esprit ; c’était peut-être aussi la plus belle ; elle y joignait un savoir rare et fort étendu. Elle possédait les langues savantes, savait bien la théologie et les Pères, était versée dans l’Écriture, excellait en tout genre d’écrire et parlait à enlever quand elle traitait quelque matière. Elle avait un don tout particulier pour le gouvernement et pour se faire adorer de tout son Ordre, en le tenant toutefois dans la plus exacte régularité. La sienne était pareille dans son abbaye. Ses séjours à la cour, où elle ne sortait pas de chez ses soeurs, ne donnèrent d’atteinte à sa réputation que pour l’étrange singularité de venir partager une faveur de cette nature et si la bienséance eût pu y être aussi il se pouvait dire que dans cette cour même, elle ne s’en serait jamais écartée... »
En trente-quatre années de gouvernement de Fontevrault, Marie-Madeleine ne viendra que quatre fois à Paris. On l’y rencontrera les moments venus. En revanche, elle recevait beaucoup dans son abbaye royale érigée au XI e siècle, à deux pas du confluent de la Loire et de la Vienne. On fit grand cas, notamment, de la visite prolongée de l’académicien piquant et parfois agressif qu’était Jacques Testu. Ce prédicateur de la cour, que Ninon de Lenclos avait surnommé « Testu, Tais-toi », en pinçait fort, dit-on, pour les trois filles du duc de Mortemart. De l’aînée, Mme de Thianges, il disait : « Elle parle comme une personne qui rêve. » D’Athénaïs : « Elle
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