Madame de Montespan
essuyé côte à côte le feu de l’ennemi : cela soude une amitié. Vivonne n’avait donc pas encore admis qu’Athénaïs ait renvoyé Montespan dans ses foyers du Sud-Ouest, manu militari ou presque !
Ne nous soucions pas trop, toutefois, des difficultés financières de Vivonne, car cet ingénieux duc saura bien trouver d’autres moyens d’éponger les déficits de sa famille. En 1680, par exemple – le 30 octobre – lorsqu’il mariera son fils aîné, Antoine-Louis de Rochechouart, à Marie-Anne de Seignelay, qui n’était autre qu’une fille de Colbert... et qui représentait une dot d’un million de livres sur la cassette royale !
Mais n’anticipons pas : nous ne sommes qu’en 1671 et nous allons assister à une violente saute d’humeur d’Athénaïs, une colère, un méchant caprice. Susceptible, vexée par Lauzun, elle va pousser le Roi-Soleil à le mettre à l’ombre ! À l’ombre de la citadelle piémontaise de Pignerol. Il y restera une dizaine d’années ! Pour crime de lèse-majesté : la Majesté étant Mme de Montespan.
Lauzun : c’était un petit homme, « le plus insolent petit homme qu’on eût vu depuis un siècle » (La Fare dixit). À moitié chauve, le nez sec et pointu, « une figure de chat écorché », les yeux rouges, souvent sale et graisseux, spirituel, mais illettré, fort brave, à l’occasion héroïque et, malgré ce portrait peu flatteur – mais vrai –, il était la coqueluche de toutes les femmes de la cour ! Et plus particulièrement de la Grande Mademoiselle. À quarante-trois ans l’ancienne frondeuse était en effet tombée amoureuse folle du bellâtre. Un beau parti que cette fille de Gaston d’Orléans ! La plus riche héritière du royaume ! Autrefois on avait envisagé de lui faire épouser son cousin Louis XIV, une affaire sans suite. Elle avait aussi refusé un prince de Galles, un infant du Portugal, un duc de Lorraine... aujourd’hui il était question de lui donner pour mari Monsieur, le veuf consolé d’Henriette.
Refus de Mademoiselle la Grande : elle n’en voulait qu’un, elle n’en aimait qu’un : Lauzun, le cadet de Gascogne, Lauzun le laid, qui avait sans doute un petit quelque chose qui plaisait aux femmes.
Mais il fallait l’autorisation du Roi.
Pour en croire la Grande Mademoiselle elle-même Louis XIV ne lui répondit ni oui... ni non :
— Vous êtes en âge de voir ce qui vous est bon. Je serais fort fâché de vous contraindre en rien. Je ne voudrais, ni contribuer à la fortune de M. de Lauzun, y allant de votre intérêt, ni lui nuire. Mais je ne vous le conseille point, mais je vous prie d’y songer. Bien des gens n’aiment pas M. de Lauzun. Prenez là-dessus vos mesures.
Cependant c’est sans compter sur Athénaïs qui envisage déjà que le comté d’Eu – propriété de la Grande Mademoiselle vieille fille – pourrait revenir un jour à la couronne... et notamment au premier fils qu’elle a eu du Roi. Or ce mariage avec Lauzun risque de tout compromettre, malgré l’âge avancé – pour l’époque – de la vieille fille en question.
Reste à convaincre le Roi, et pour ce faire elle possède les arguments que l’on sait... Elle en usera, elle aura gain de cause. Point de mariage. Elle semblait vraiment détester Lauzun. On a même chuchoté parfois qu’une telle antipathie ne pouvait avoir été engendrée que dans la plus grande des intimités. Alors ? Athénaïs aurait-elle été quelque jour la maîtresse du nerveux Gascon ? Cette histoire n’a jamais été tirée au clair, cependant il paraît plausible qu’il y ait eu quelque chose entre « l’insolent petit homme » et « la royale Montespan », possible que le cadet contrefait, mais galant la tenait par la peur d’une fâcheuse divulgation.
Donc, maintenant, Athénaïs le hait et crie vengeance. Un après-midi d’amour avec le Roi et la partie sera gagnée. Le lendemain Louis XIV fait appeler Mademoiselle :
On m’a dit que je vous sacrifiais pour faire la fortune de M. de Lauzun. Cela me nuirait dans les pays étrangers.
Sire, il vaudrait mieux me tuer !
Le Roi fut inflexible, Athénaïs fut satisfaite, et Mademoiselle ne mourut point.
Lauzun, quant à lui, écumait. Il bondit chez la favorite, lui fit une telle scène, lui donna de tels noms – menteuse ! friponne ! coquine ! putain à chien ! qu’elle en resta pâmée.
S’imaginait-il, pourtant, que Mme de Montespan était de ces femmes qui
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