Madame de Montespan
parle comme une personne qui lit. » Et de Mme de Fontevrault : « Elle parle comme une personne qui parle. »
Et comme l’abbé prisait la conversation... il préféra l’abbesse.
Il avait coutume de faire retraite en Poitou chez son amie Mme de Richelieu, veuve en premières noces du duc d’Albret. Or, un jour, une épidémie de petite vérole fut signalée au village. Prudent, Testu se replia sur Fontevrault, situé à une demi-journée des terres de Richelieu. Et il s’y plut, et il y resta trois mois ! Et l’on fit bientôt des gorges chaudes : la petite vérole, non ! la galanterie, sûrement ! Mme de Sévigné, par exemple, était persuadée qu’il y avait entre l’abbé et l’abbesse plus qu’un bavardage régulier séculier. Dans son Histoire du lord de Fleury, Ranchon, le vicaire général d’Angoulême, ajoutera même que « vers 1670 l’abbé Testu aurait eu les faveurs de Mme de Fontevrault ». Mais Marie-Madeleine se défendra, repoussera ces « clabauderies et ravauderies », expliquant que l’abbé avait une parente de son nom en religion à Fontevrault et que c’est auprès d’elle qu’il trouvait un asile naturel. Elle refusait donc de porter le chapeau, la cornette lui suffisait ! Mais comment savoir puisqu’elle était si charmante ! Puisque le Roi lui-même la goûtait fort et qu’il avait peine, selon Saint-Simon, à se passer d’elle quand elle était à la cour. Pour la rapprocher de Paris, il lui offrira même l’abbaye de Montmartre ! Elle la refusera, elle préférait la douceur angevine.
Car Louis XIV aimait les Mortemart. L’aînée des filles, la marquise de Thianges, « un chef-d’oeuvre de la nature », selon Mme de Caylus qui s’empresse d’ajouter : « non tant pour la beauté extérieure que pour la délicatesse des organes qui composaient sa machine », était-elle aussi très bien en cour ; si bien même que fréquemment le souverain, qui appréciait son esprit, la priait de monter en sa calèche... Elle s’asseyait à sa gauche. À droite siégeait Athénaïs. Ce qui n’empêchait pas les deux soeurs de se chamailler souvent. Mme de Maintenon l’affirme. Elles s’emportaient pour un rien, mais il s’agissait de colères qui s’apaisaient vite, des petites querelles qui entretiennent l’amitié. Plus tard, pourtant, lorsque Athénaïs sera sur son déclin, Gabrielle de Thianges imaginera placer sa fille aînée – Mme de Nevers – dans le lit de Louis Soleil et en faire une maîtresse officielle !
Athénaïs avait un esprit de famille très développé. Son père n’obtiendra-t-il pas le titre de gouverneur de Paris ? Son frère, le gros Vivonne, celui de général des galères ? Pour refaire sa fortune, puisque Saint-Simon nous apprend que les Mortemart se ruinaient de père en fils, Vivonne avait même imaginé – en 1671 – de rétablir en France le vieil ordre de Saint-Lazare créé à l’époque des croisades. Un projet grandiose ! Mais pour le réaliser il lui fallait l’accord du Roi et le soutien de Colbert.
Il exposa l’affaire :
« L’ordre de Saint-Lazare a été associé à celui de Saint-Maurice. Le duc de Savoie en est le grand-maître. Les chevaliers français n’ont jamais admis cette transformation et se sont joints à l’ordre du Mont-Carmel. Il serait bon de revenir à l’ancien ordre hospitalier. On l’établirait, par exemple, à Porquerolles où l’on fonderait une ville, creuserait un port, aurait une escadre, où l’on bâtirait des hôpitaux et les fortifications des îles d’Hyères seraient les plus fermes remparts. Et moi, Louis-Victor de Rochechouart, comte de Mortemart, duc de Vivonne, je pourrais en être le grand-maître. J’en tirerais des droits ordinaires et seigneuriaux annuels et tout plein d’autres profits... et les îles d’Hyères deviendraient les îles Mortemart... »
Mais aujourd’hui les îles d’Hyères sont toujours les îles d’Hyères... un projet sans lendemain !
Le Roi et ses ministres firent la sourde oreille. La dépense était trop forte. Et il ne semble pas que Mme de Montespan ait beaucoup insisté auprès de son amant royal pour que puisse aboutir le projet de son frère. Les mémorialistes, d’ailleurs, nous confient qu’à cette époque il existait comme un froid dans les relations Athénaïs-Vivonne. La raison en est simple : Vivonne aimait bien son beau-frère Montespan ; ils avaient fait ensemble la campagne de Lorraine,
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