Madame de Montespan
si bien que, le 20 décembre (1673) devant un parlement réduit au silence – pas la plus petite protestation ! de sa plume la plus despotique, Louis XIV signera les fameuses lettres patentes : « Nous voulons et entendons qu’ils soient nommés duc du Maine, comte de Vexin et Demoiselle de Nantes et, de notre puissance et autorité, les déclarons légitimes, voulons et ordonnons qu’ils puissent tenir en notre royaume toutes charges, états, dignités, bénéfices, et disposer du tout, ainsi que s’ils étaient nés en vrai et loyal mariage... »
On a dit que Mme Scarron, qui éduquait les bambins, vit avec satisfaction cet acte qui leur assurait la paternité royale. On a dit aussi qu’à cette occasion elle aurait eu ce mot – trop beau pour être vrai ! :
— Jusqu’ici ils étaient au Roi, à présent, ils sont à la France !
Autrefois, pour les enfants de Louise de La Vallière, la légitimation avait été ressentie comme un signe de déclin d’amour, aujourd’hui, pour Athénaïs, on y voyait comme un défi à la moralité publique. Mais avant toute chose, on ne le dira jamais assez, ces lettres assuraient à Louis XIV une descendance... survivante.
Évidemment, Athénaïs étant demeurée mariée ne pouvait être considérée, au regard de la loi, comme la mère des nouveaux princes. Son amant royal lui fit-il quelques promesses ? Vaines alors, car elle n’exista jamais en tant que mère légitime. Et ce malgré la demande de séparation d’avec son Gascon de mari, qu’elle avait déposée quelques années plus tôt. Une demande qui n’aboutira que le 7 juillet 1674. Ce jour-là, le Châtelet mettra un terme à de longues procédures en ordonnant par la voix de son procureur, Achille de Harlay, que les époux Montespan soient « séparés d’habitation et de biens, aux torts du mari convaincu de dissipation de biens, mauvais ménage et sévices commis envers sa femme ». Ce jour-là, le marquis de Montespan se retrouvera quasiment sur la paille, contraint de restituer aux Mortemart, avec des intérêts à compter depuis la séparation effective de 1668, les 60 000 livres de la dot payée au jour du contrat de mariage par le père d’Athénaïs. Qui plus est, il n’échappait pas à la pension alimentaire : 4 000 livres l’an à verser « de quartier en quartier et par avance »... à la maîtresse du Roi ! Quant à elle, elle se voyait dégagée de toutes les obligations et anciennes dettes du ménage.
Un jugement accablant, rendu par Achille de Harlay avec le désir manifeste de plaire au souverain.
Comment réagit Montespan en l’apprenant ? S’effondrat-il ? Éclata-t-il de son puissant rire de soudard ? En fait, il joua l’accablé (il l’était !) et le désespéré (il ne l’était sans doute pas !).
De toute évidence, il ne possédait pas le plus petit sol. Athénaïs ne l’ignorait pas. Dans un premier temps elle enfonça le couteau dans la plaie. Elle envoya les huissiers dans l’appartement dont disposait son mari, rue du Cloître-Saint-Benoît, pour qu’ils saisissent ses meubles... ou ce qu’il en restait. Car Montespan, flairant l’affaire, avait déjà cédé une partie de son mobilier. Il ne restait en effet en son logis, en tout et pour tout, si l’on en croit l’évaluation donnée par François Thurin, maître tapissier à Paris, qu’une tapisserie estimée à 500 livres et quelques autres babioles, pour un total de 450 livres. Le marquis de Montespan joua donc la scène du désespoir.
— Mais comment vais-je pouvoir élever nos enfants ? Si je vends mes terres ce sera la perte entière de la maison et l’avenir de l’héritier du nom sera bien compromis.
Athénaïs ne fut pas insensible à ce propos. On peut penser qu’elle trouvait là un moyen de soumettre définitivement son mari, mais on peut croire aussi, pour ne pas l’accabler, qu’elle fut sincèrement émue. Car pour être altière, elle n’en était pas moins généreuse. « Quand elle avait ri de quelqu’un, elle était contente et en restait là », note la Palatine qui ne la portait pas dans son coeur. Donc, dans un deuxième temps, elle est émue, elle prend la plume, elle écrit au Châtelet, à Gaspard de Fieubet, conseiller ordinaire du Roi et chevalier d’honneur de la Reine ; elle déclare « n’avoir jamais eu l’intention de causer, par la séparation qu’elle avait poursuivie, la ruine de la maison dudit seigneur son époux, ni de faire
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