Madame de Montespan
de la tête aux pieds », observe Bussy. « Belle comme un ange, mais sotte comme un panier », ajoute Choisy. « Belle depuis les pieds jusqu’à la tête, mais pas plus d’esprit qu’un petit chat », achève la Palatine.
Mais bornons-nous ici, car, au vrai, le catalogue des maîtresses royales est tout à fait impossible à dresser. N’apprendra-t-on pas, par exemple, qu’une soubrette de Mme de Montespan, Claude de Vin des OEillets, mettra au monde un jour une fillette que l’on nommera Louise de Maison-Blanche et qui n’était autre qu’une bâtarde du Roi. Louis XIV lui avait fait cet enfant un soir, pour passer le temps, un soir où Athénaïs se faisait trop attendre.
Car elle aimait à se faire prier. Elle était femme. La princesse Palatine, qui n’épargnait rien ni personne, estimera plus cruellement « qu’elle s’ennuyait d’être seule avec le Roi, et que celui-ci lui reprochait souvent de ne pas l’aimer assez ». En fait, il faut bien comprendre le sentiment du Roi pour Athénaïs de Montespan, car il est assez complexe : une composition faite de sensualité exacerbée et d’une bonne dose d’orgueil. L’académicien Louis Bertrand (1866-1941) a parfaitement compris cette relation lorsqu’il écrit : « Cette maîtresse éclatante et tapageuse comme une courtisane, fastueuse et hautaine comme une grande dame, éblouissante d’esprit et de fantaisie comme un poète, était faite pour la montre. Le Roi pouvait être fier d’une telle conquête et prendre plaisir à la faire admirer comme il faisait admirer ses bâtiments et ses jardins aux notables étrangers qui passaient à Versailles. »
Athénaïs n’était pas dupe. Aussi, malgré la Palatine et sa plume tudesque, ne peut-on lui reprocher d’avoir aimé par intérêt puisqu’avec elle le Roi trouvait le sien !
Intéressée, elle le fut bien sûr, mais toutes les maîtresses du Roi-Soleil le furent, sans exception, même la pieuse et fluette La Vallière qui, étant aux abois à l’heure solennelle d’entrer en religion, obtint encore la somme de 150 000 livres de son ancien amant. Car si l’on pouvait entrer au couvent sans dot, il fallait pourtant y entrer sans dettes !
Que la dernière prière de Louise au Roi-Soleil (ensuite Dieu seul sera concerné !) ne nous fasse pourtant pas oublier les caprices, les requêtes, les exigences de Mme de Montespan. Et les promotions qu’elle obtiendra. Car il n’est pas douteux, par exemple, que c’est au creux de son oreiller que le Roi nomma le vieux Gabriel de Rochechouart au poste de gouverneur de Paris. Le père d’Athénaïs avait déjà été élevé à la dignité de duc et pair de France, le 24 janvier 1669, après le décès du duc d’Aumont, il devenait le « grand patron » de la capitale. C’est dans les manuscrits de Dom Fontenau (que les historiens du Poitou connaissent bien et apprécient) que nous avons relevé le texte de cette nomination : un écrit qui mérite d’être parcouru : « La cour, toutes les chambres assemblées après avoir vu l’information faite d’office à la requête du procureur général par l’un des conseillers d’icelle, sur la vie, les moeurs, la conversation, la religion catholique, apostolique et romaine, l’expérience des armes et la fidélité au service du Roi de Messire Gabriel de Rochechouart, premier gentilhomme de la Chambre... lui accorde donc charge et dignité du gouvernement de Paris, le nomme gouverneur et lieutenant général en la ville, prévôté et vicomté de Paris. »
Mais le premier duc de Mortemart, dont on semblait apprécier la conversation, n’aura guère loisir d’exercer cette honorable responsabilité puisqu’il aura bientôt fini de vivre, mourant en effet au lendemain de son soixante-quatorzième Noël (le 26 décembre 1675) et se faisant inhumer, non dans la sépulture familiale aux Cordeliers de Poitiers, au côté de Diane de Grandseigne son épouse, mais au couvent des pénitents de Picpus au faubourg Saint-Antoine. C’est-à-dire dans un quartier parisien bien éloigné de sa petite maison de Chaillot dans laquelle, on l’a vu, il avait aimé, pendant plus de vingt-deux ans, à caresser les cheveux noirs de la présidente Tambonneau, une maîtresse à laquelle il était demeuré fidèle. Les beaux yeux verts de Mme Tambonneau ne se fermeront qu’en 1700. Sur la fin de sa vie, à l’instar de Ninon de Lenclos, celle qu’on nommait « la Présidente » ne
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