Madame de Montespan
toute-puissante.
VI
« ... AINSI QUE S’ILS ÉTAIENT NÉS
EN VRAI ET LOYAL MARIAGE... »
Elle était plus resplendissante à chacune de ses relevailles.
Maurice R AT .
1672 : à la fin de cette année, le 5 octobre, Athénaïs fête son trente et unième anniversaire. Un mois plus tard, jour pour jour, Louis XIV entre dans sa trente-cinquième année. Déjà vieille de quelque six ans, la passion des amants semble encore dans sa période ascendante. La preuve, c’est que le 6 janvier (1672) Mme de Sévigné écrit à sa fille : « La cour répète qu’il n’y aura pas de guerre parce que le Roi ne saurait vivre loin de Mme de Montespan. »
Mais la cour se trompait : non pas sur les élans de Vénus, mais sur les intentions de Mars. Car le 6 avril, la guerre de Hollande est décidée {22} . Guerre contre la Hollande républicaine et protestante, un pays où s’imprimaient des livres jansénistes et des libelles malsains, guerre contre « un repaire de libraires dangereux ». « C’était un plan arrêté, le Roi détruirait la religion prétendue réformée partout où ses armes la rencontreraient. » Guerre contre un petit peuple dont la flotte et les succès commerciaux rivalisaient supérieurement avec une grande monarchie, guerre contre le Hollandais que le Roi-Soleil voulait châtier « pour les mauvaises satisfactions qu’il lui donnait ». Une lutte qui ne connaîtra ni la sûreté ni la rapidité de la précédente – celle de Dévolution –, car il faudra en effet attendre le 10 août 1678 pour la voir s’achever à Nimègue.
Donc, le 28 avril, Louis quitte Saint-Germain : direction Charleroi. Mais ces dames ne seront pas du voyage.
Le Roi laisse derrière lui Louise de La Vallière dont les larmes se tarissent, qui se résigne, qui songe maintenant à se retirer au couvent. Il laisse derrière lui la Reine, qui pleure, elle, d’avoir perdu, le 1 er mars précédent, sa fille Marie-Thérèse de France, la petite Madame, morte à peine âgée de cinq ans. À propos de cette disparition, M. de Saint-Maurice nous confie que le Roi fut fort affligé, « qu’on ne l’avait jamais vu si troublé », qu’il resta des heures durant penché sur le berceau de sa fille qui devait succomber à un abcès au cerveau. Autour de l’enfant, sans que personne semble offusqué, veillaient également la Reine, La Vallière et Athénaïs. Athénaïs qui venait, elle aussi, quelques jours plus tôt, de perdre le premier rejeton qu’elle avait eu du Roi, cette fillette née en 1669 qui ne vécut pas assez longtemps pour avoir droit à un nom dont l’Histoire pût se souvenir.
Deux décès donc, mais deux grossesses aussi, et deux accouchements prévus pour le mois de juin. Car à cette époque, en effet, la reine Marie-Thérèse porte en elle son sixième enfant : il naîtra le 4juin, sera fait duc d’Anjou... et mourra aussitôt. Quant à Athénaïs, elle sent déjà s’agiter en son flanc son troisième bambin royal qui verra le jour le 20 du même mois de juin, sera fait comte du Vexin... et mourra. Pas aussi hâtivement que son demi-frère, il est vrai, puisque Louis-César survivra onze ans.
Mais pour attendre cet heureux événement et pendant qu’il guerroye, Louis XIV a prié Athénaïs de vouloir bien se retirer tout auprès de Lagny, dans une demeure à l’époque nommée le Génestoy ou le Génitoy. Une gentilhommière qui était alors la propriété d’un Sanguin, premier maître d’hôtel du Roi, qui existe toujours aujourd’hui et qui est connue sous le nom de « Génitoire ». La corruption du terme Génitoy en Génitoire ne serait-elle pas due au fait qu’Athénaïs y fit ses couches ? On ne peut rien affirmer... si ce n’est que le mot corruption, quoi qu’il en soit, est fort à propos !
28 avril. Le pied de guerre. Louis XIV quitte Saint-Germain. Il semble de méchante humeur. Selon M. de Saint-Maurice, « il ne fit d’adieux qu’à la Reine et à M. le Dauphin. À peine si ceux qui le suivaient de plus près eurent le temps de lui tirer leur révérence. Tout le monde en demeura stupide. Jamais personne n’avait rien vu de pareil à la cour et les plus pénétrants ne pouvaient deviner la cause de cette hâte insolite ».
Ce en quoi Saint-Maurice nous dévoile son manque de perspicacité, car le Roi n’avait évidemment qu’une hâte et que nul n’ignorait, c’était, marchant vers Nanteuil de faire escale au Génestoy pour se jeter
Weitere Kostenlose Bücher