Madame de Montespan
balance, le jour – imminent – où le monarque prendra la décision de reconnaître officiellement ses bâtards.
Pour en finir avec tous les décès de cette période, citons encore la mort de Molière survenue au début de l’an 1673 : le 19 février. Louis XIV n’avait pas assisté à la première du Malade imaginaire. Molière, dit-on, en avait ressenti un très vif chagrin. Aurait-il hâté sa fin ?
1673 : pas de décrue en Pays-Bas, mais la guerre continue. Fin avril, accompagné de Marie-Thérèse, de Louise de La Vallière, torturée de remords, et dont l’âme est déjà au couvent, accompagné d’Athénaïs qui est enceinte de huit mois, le Roi, à la tête de ses régiments, quitte Saint-Germain-en-Laye.
... Et il tomba malade à Soissons ! On fit bien des gorges chaudes autour de « son grand débordement de bile ». Certains, même, lâchèrent le terrible mot : empoisonnement. Ce qui n’était pas l’avis du médecin d'Aquin, car, si l’on en croit le Journal de santé du Roi, notre disciple d’Hippocrate estimait simplement que « dès sa naissance Sa Majesté était d’un tempérament extrêmement chaud et bilieux ; que dans son enfance il en avait donné les premières marques par la quantité de gales et d’érésipèles dont il avait été couvert et la chaleur excessive de son foie qui ne se pouvait rassasier par le lait d’un nombre infini de nourrices qu’il avait taries ».
D’autre part, si d’Aquin accusait un poison de nuire à la santé du souverain, de lui épaissir les humeurs, ce poison avait nom « rossolis » et il était concocté selon la recette suivante : un peu de vin d’Espagne mélangé à quelques infusions de semences d’anis, d’aneth, de fenouil, de chervis, de coriandre et de carotte. Le tout étant agrémenté de sucre candi cuit et recuit en sirop. Le « cocktail » idéal, en somme, pour engorger le plus robuste des foies !
Une bonne purge, une bonne saignée suffiront... et le Roi sera sur pied et les places fortes ennemies tomberont.
Quant à Athénaïs, si elle souffre, c’est de son état de parturiente : son sixième accouchement : la naissance de Louise-Françoise, que plus tard on connaîtra sous le nom de Mlle de Nantes, naissance survenue à Tournai, le 1 er juin (1673), pendant que son père bataille devant Maëstricht où les Hollandais ont le mauvais goût de résister, où le célèbre d’Artagnan perdra la vie pour plaire à son maître.
Un prénom composé, pour le dernier poupon en date : Louise-Françoise. Louise, c’est celui de Mlle de La Vallière, Françoise, celui de Mme de Montespan. Mlle de Nantes sera donc baptisée sous les prénoms des deux dames de la faveur. Commentaire piquant de Saint-Maurice à propos de cet heureux événement : « Mme de Montespan est fort féconde et sa poudre prend bientôt feu... car il n’y a pas encore un an qu’elle est remise de sa dernière campagne ! » Autre note de cet excellent marquis qui a eu la riche idée de tenir son journal : elle est datée de Metz, le 26 juillet, et elle nous intéresse particulièrement : « Le Roi est toujours empressé de Mme de Montespan, il y est à toute heure, elle loge toujours dans la même maison. Elle a avec elle la dame Scarron, sa confidente et qui a le soin de ses enfants. La Reine est toujours assez oisive et a toujours la même patience. Quant à la duchesse de La Vallière, elle loge dans les maisons les plus proches de celles de Leurs Majestés, elle ne va pas chez Mme de Montespan, ni le Roi ne l’entretient pas. »
Il est vrai que la fin de l’an 1673 coïncidera avec l’irrémédiable déclin de Mlle de La Vallière... et avec le triomphe d’Athénaïs. La première est soumise, ne réagit plus, subit les événements. N’ira-t-elle pas jusqu’à accepter de tenir sur les fonts baptismaux le dernier enfant de sa rivale ? Elle a bien perdu l’espoir d’une reconquête du Roi-Soleil et, la conscience délabrée, elle va trouver refuge et consolation auprès de Bossuet qui lui conseillera de fuir le monde, d’entrer en religion, de s’emmurer au Carmel. Il était persuasif, elle acceptera bientôt.
La seconde est à son apogée. Autrefois le Roi avait légitimé les deux rejetons nés de La Vallière (Mlle de Blois et le comte de Vermandois), ne pourrait-il pas agir de même aujourd’hui avec les siens ? D’ailleurs, elle sait que son amant le souhaite : elle demanda, elle obtint. Tant et
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