Madame de Montespan
point dans son laboratoire, compromettant ainsi le maréchal de Luxembourg, Olympe et Marie-Anne Mancini, Mme de Polignac, la marquise d’Alluye, la princesse de Tingry, la maréchale de La Ferté..., etc., mais, pas un mot d’Athénaïs !
La duchesse de Foix, également, avait eu des contacts avec elle. Le policier La Reynie – qui mènera toutes les enquêtes – en était convaincu. Et il ne se trompait pas. Aussi effectua-t-il des recherches autour d’un billet rédigé de la main de la duchesse à l’attention de la sorcière, un billet fort sibyllin qui disait en substance : « Plus je frotte, moins ils poussent. » Mais le lieutenant de police méticuleux constatera bientôt qu’il ne s’agissait que d’une recette pour développer les seins !
Ce n’est pas une mince affaire que cette affaire des poisons. L’arrestation de la Voisin n’en entraînera-t-elle pas 441 autres ? 281 seront maintenues et suivies de bannissements, d’envois aux galères, d’emprisonnements insalubres ou, plus sèchement, d’exécutions. Il n’est pas question ici de la reprendre de A à Z : Jean-Christian Petitfils {28} dans un ouvrage assez récent, l’ayant fait et fort bien fait. Seule Athénaïs nous intéresse, elle qui n’a jamais été condamnée que par l’Histoire, au grand dam d’ailleurs de Nicolas de La Reynie, ce policier parfois vétilleux que l’on a déjà croisé à l’occasion des combats qu’il livra aux jeux de hasard.
Ce Limougeaud, qui avait vu le jour en 1625 dans une bonne famille de robe, fit, comme il se devait, des études de droit. Il deviendra intendant du duc d’Epernon, le gouverneur – détesté – de Guyenne, qui le présentera à la cour. A la mort de son maître – en 1661 –, il retrouvera sa liberté et achètera sur la place de Paris une charge de maître des requêtes. Il l’achète fort cher (320 000 livres !), mais il acquiert ainsi deux pouvoirs : celui de siéger au conseil du Roi en qualité de rapporteur et celui de rendre la justice au tribunal dit des requêtes de l’Hôtel : un tribunal qui ne s’occupait que des causes des princes, des officiers de la couronne, des commensaux de la Maison royale... Il se trouve donc ainsi en rapports fréquents et secrets avec le Roi, qui l’apprécie et le nomme bientôt à la tête de l’administration de la police parisienne. Cette nomination intervient officiellement au printemps de 1667... l’année même où Athénaïs commencerait de tremper dans le poison.
Bien que seuls les faits et gestes de Mme de Montespan nous concernent, quand ils sont consignés dans l’épais dossier des archives de la Bastille que conserve la Bibliothèque de l’Arsenal, on ne pourra éviter de croiser, sur les chemins de l’enfer, un certain nombre de personnages plus experts les uns que les autres à faire bouillonner les chaudrons d’Astaroth, des marmites dans lesquelles on savait mitonner le plus gras venin du crapaud, le meilleur arsenic, les poudres d’écrevisse, les rognures de taupe, le vert-de-gris, le sang menstruel ou celui de la chauve-souris, sans oublier les indispensables pincées de cantharide !
Qui sont-elles donc, ces âmes damnées qu’aurait fréquentées Athénaïs ou qui auraient travaillé pour elle, souvent par personne interposée, ou encore celles qui vont la compromettre par leurs révélations ? Pour le savoir, transportons-nous un instant dans le bureau du lieutenant général de police et consultons leurs fiches. On aura de bonnes occasions d’être effrayé. Ames sensibles s’abstenir !
Une dernière précaution à prendre, avant d’entrer chez La Reynie, une information plutôt, pour nous permettre de mieux situer nos inculpés et comprendre leurs agissements : au XV II E siècle, la démonomanie était souveraine. Un sorcier n’avait-il pas déclaré sur son bûcher, en place de Grève, avant d’être léché par les flammes :
— J’ai 100 000 collègues dans le royaume !
Il n’exagérait pas.
Le XVII e siècle est un siècle de grande foi, partant un siècle de grande superstition. Le surnaturel intervient à tout propos et très souvent, hors de propos. On croit en Dieu, on ne doute pas du diable et la sorcière médiévale de Michelet qui continue de hanter les bouges de Paris ne se prive pas de venir trotter dans les jardins de Saint-Germain et de Versailles. Il est le siècle du classicisme, certes, mais les générations qui le peuplent ne sont pas
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