Madame de Montespan
lui avait fait treize cautères le long de l’épine du dos », s’horrifie Mme de Caylus.
Le duc du Maine, que l’on surnommera d’abord « le petit mignon » et qui deviendra plus tard « le gambillart », n’était pas très fringant lui non plus. « Ce prince était né droit et bien fait et le fut jusqu’à l’âge de trois ans, que les grosses dents lui percèrent, en lui causant des convulsions si terribles qu’une de ses jambes se retira beaucoup plus que l’autre. On essaya en vain tous les remèdes de la Faculté de Paris, après lesquels on le mena à Anvers pour le faire voir à un homme dont on vantait le savoir et les remèdes ; mais comme on ne voulut pas que M. du Maine fût connu pour ce qu’il était, Mme de Maintenon fit ce voyage sous le nom supposé d’une femme de condition du Poitou qui menait son fils à cet empirique, dont les remèdes étaient apparemment bien violents puisqu’ils allongèrent cette malheureuse jambe beaucoup plus que l’autre, sans la fortifier ; et les douleurs extrêmes que M. du Maine souffrit ne servirent qu’à lui faire traîner, comme nous voyons. Malgré ce mauvais succès, il ne laissa pas de faire encore deux voyages à Barèges, aussi inutilement que le reste. » (Mme de Caylus.)
Et pendant que Mme de Maintenon voyage à Barèges avec l’enfant boiteux, Athénaïs se rend pompeusement à Bourbon. Sa seule manière de voyager proclamait en effet sa royauté recouvrée. Mme de Sévigné qui parcourait (quelle chance !) la même route dans son « grand carrosse » en est le meilleur témoin : « Nous suivons les pas de Mme de Montespan ; nous nous faisons conter partout ce qu’elle dit, ce qu’elle fait, ce qu’elle mange, ce qu’elle dort. Elle est avec la petite Thianges, dans un carrosse à six chevaux. Elle a un carrosse derrière, attelé de même, avec six femmes : elle a deux fourgons, six mulets et dix ou douze hommes à cheval, sans ses officiers ; son train est de quarante-cinq personnes. Elle trouve sa chambre et son lit tout prêts, elle se couche en arrivant, et mange très bien... On vient lui demander des charités pour les églises et pour les pauvres ; elle donne partout beaucoup d’argent et de fort bonne grâce. Elle a tous les jours du monde un courrier de l’armée... »
Tous les jours un courrier de l’armée ! C’est-à-dire un message quotidien du Roi, au pis aller un pli qui apporte de ses nouvelles, puisque Sa Majesté était alors en campagne. C’est peu dire que Louis XIV est toujours sous le charme !
En juillet, Athénaïs est de retour à Versailles.
16 juillet 1676, 6 heures du soir. À Paris, un tombereau roule lentement vers la place de Grève. Sur cette place, noire de monde, un échafaud. Sur l’échafaud, le bourreau Guillaume. Le tombereau arrive. À son bord, une condamnée de quarante-six ans. On la descend. Guillaume lui bande les yeux. Du revers de sa manche il s’essuie le front où perle la sueur. « La condamnée tenait la tête fort droite, le bourreau la lui avala d’un seul coup qui trancha si net qu’elle fut un moment sur le tronc sans tomber. Je fus même un instant en peine, poursuit l’abbé Pirot à qui nous devons cette relation, croyant qu’il avait manqué son coup et qu’il faudrait frapper une seconde fois. »
— Monsieur, dit le bourreau, n’est-ce pas un beau coup ?
Et, débouchant une bouteille, il engloutit une bonne rasade de vin.
Le corps, ensuite, fut porté sur le bûcher. Les flammes le consumèrent, puis les cendres furent dispersées.
Ces cendres étaient celles de la marquise de Brinvilliers qui avait empoisonné père, frères et soeur.
« Toute cette cendre au vent, nous la respirerons anticipe Mme de Sévigné (incorrigible curieuse, venue assister à l’exécution, du haut de la fenêtre de l’une des maisons du pont Notre-Dame) et par la communication des petits esprits il nous prendra bien quelque humeur empoisonnante dont nous serons tous étonnés ! »
Elle ne croyait pas si bien dire.
Étonné, on ne manquera pas de l’être !
VIII
SOUFRE ET SUCCUBE
Le mauvais sort en est jeté !
Il n’y a pas si longtemps une rumeur courait encore le Poitou profond, une fable tenace {26} qui racontait qu’autrefois le trisaïeul d’Athénaïs avait épousé une femme bien singulière. Cet ancêtre se nommait François de Rochechouart – un homme du XVI e siècle – son épouse s’appelait Renée Taveau,
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