Madame de Montespan
médisance le moindre sujet de mordre, on avait convenu que des dames respectables seraient présentes et que le Roi verrait Mme de Montespan en leur compagnie », nous confie Mme de Caylus.
Athénaïs se présente comme une jeune vierge rougissante et timide. Louis l’attend, gravement entouré de ses duègnes. Il commence de lui parler dans le style de Bossuet, mais sa maîtresse l’interrompt :
Il est inutile de faire un sermon.
Elle a compris que son temps n’est plus. « Elle qui ne pleurait jamais sut trouver, ce jour-là, l’éloquence des larmes. » Et c’est ainsi que Bourdaloue, La Chaise, Bossuet et les autres perdirent la partie.
« Insensiblement le Roi attira Mme de Montespan dans l’embrasure d’une fenêtre, a noté la curieuse Mme de Caylus, ils se parlèrent bas assez longtemps et se dirent ce qu’on a accoutumé de se dire en pareil cas.
Vous êtes fou !
Oui, répondit-il, en la dévorant des yeux, oui, je suis fou puisque je t’aime toujours !
« ... Et ils firent ensuite une profonde révérence à ces respectables matrones et... passèrent dans une chambre. »
Nul doute qu’avant de passer dans ladite chambre, la belle marquise dut relever la tête et toiser du regard du vainqueur l’assemblée des sermonneurs ébahis. Elle se vengeait là de son quart d’heure d’humiliation.
... Ils passèrent dans une chambre, sourit Mme de Caylus... et il en advint Mlle de Blois ! Celle qui, plus tard, épousera le Régent !
« Je savais bien que M. l’évêque de Meaux jouerait dans cette affaire un personnage de dupe. Il a beaucoup d’esprit mais il n’a pas celui de cour », pesta Mme de Maintenon. Et elle ajouta, grinçant des dents : « Avec tout son zèle il voulait les convertir mais il les a rapprochés ! »
Il ne lui restait plus – bien que ne s’avouant pas vaincue – qu’à s’en retourner auprès de ses petits princes. Qui avaient bien besoin de ses soins, d’ailleurs. Ils étaient alors au nombre de quatre. La première fillette était morte en 1672 parce que son sang « était pauvre et vicié » ; survivaient donc Louis-Auguste, duc du Maine, le préféré, celui à propos duquel Mme de Maintenon disait : « Rien n’est si sot d’aimer avec cet excès un enfant qui n’est pas de soi » ; Maine dont les jambes étaient étrangement atrophiées. Restaient aussi Louis-César, le comte du Vexin, dont les épaules étaient bossues ; Louise-Françoise, alias Mlle de Nantes, qui boitait bas et Louise-Marie-Anne, la petite demoiselle de Tours, qui louchait horriblement. On sait que deux autres enfants naîtront encore de cette passion effrénée : une fille prénommée Françoise-Marie, dite Mlle de Blois, celle qui fut conçue, ou presque, dans l’embrasure de la fenêtre et qui aura à sa défaveur « un parler si lent et embarrassé qu’il en écorchait les oreilles » ; et un dernier fils, Louis-Alexandre, comte de Toulouse, qui verra le jour en un temps où la rupture de ses parents semblait consommée. Lui seul parut obtenir le pardon de Dieu et échapper à la malédiction générale qui avait frappé les fruits du Roi-Soleil et de la perle des Mortemart. Toulouse, l’arrière-grand-père de Louis-Philippe, ne souffrait en effet d’aucune lésion !
Mme de Caylus a parfois écrit qu’Athénaïs ne débordait pas d’affection pour sa progéniture. Quand le premier rejeton mourut, par exemple, elle nous affirme que Mme de Maintenon en fut touchée « comme une mère tendre et beaucoup plus que la véritable ». Méfions-nous pourtant de cette mémorialiste qui n’est pas toujours encline à l’objectivité. Petite-fille d’Artémise d’Aubigné, elle cousinait donc avec la gouvernante : ceci peut expliquer cela. Car il serait injuste d’ignorer la fibre maternelle de la favorite. En juin (1675) par exemple, le jeune Vexin « qui ne vécut que pour faire voir par ses infirmités qu’il était heureux de mourir », tombe un peu plus malade qu’à son habitude. Il ne peut plus souffrir le jour. Athénaïs, elle, ne supporte pas l’obscurité. Qu’à cela ne tienne, elle va se malmener, elle ne quittera pas le chevet du petit grabataire. « Pendant six jours et six nuits je suis restée comme dans un four, sans m’en apercevoir », confia-t-elle à la duchesse de Noailles. Jusqu’à ce que la santé fragile de Louis-César, malgré les remèdes, puisse s’améliorer un tantinet. «J’ai ouï dire qu’on
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