Madame de Montespan
qu’ils purent », se souvient la vieille marquise d’Uxelles.
Louis XIV fut informé de cette disparition, le même soir, à son petit souper.
— Je la regrette extrêmement, déclara-t-il.
C’était vrai. On sait qu’il appréciait beaucoup Marie-Madeleine de Mortemart.
Cet été-là (1704) Athénaïs fera transférer son hospice de Fontevrault à Oiron où les travaux étaient suffisamment avancés (trois grands corps de logis, quatre pavillons, une chapelle) pour que l’établissement fût opérationnel. Elle dotait cette maison de 110 000 livres. Cent pauvres allaient y être nourris, entretenus et y mourraient paisiblement.
Cet été-là (août 1704) dans le cadre d’une guerre de Succession d’Espagne qui n’en finit pas, les maréchaux Camille de Tallard et Ferdinand de Marsin, sans oublier l’allié, Maximilien II de Bavière, connaissaient à Hôchstaedt (en Bavière, précisément !) une cuisante défaite. Là où, un an plus tôt, le duc de Villars avait fait des prouesses, on assiste à la débâcle des 64 000 Franco-Bavarois (35 000 fantassins, 29 000 cavaliers) ! Une sévère correction infligée par de brillants duettistes qui avaient noms Malborough et le prince Eugène.
Cet été-là Louis XIV a perdu la Bavière. Donc l’Allemagne.
Cet été-là Louis XIV ne parvient pas à s’emparer de Gibraltar.
Cet été-là, le budget de la guerre se chiffre à 100 000 000 de livres !
Les bâtiments d’Oiron avaient coûté... 40 000 livres !
Athénaïs a donc beaucoup investi dans ce qui sera sa dernière réalisation. Sans toutefois s’être ruinée pour le bienêtre de ses patients pauvres. Jamais elle ne connaîtra le dénuement. À preuve, l’inventaire de ses biens, au château d’Oiron, sur lequel figurent de très riches pièces : sa chambre était royale. Un grand lit de chêne tendu de velours noir brodé d’or et d’argent, dix fauteuils de bois doré, une table de marbre majestueuse, douze tapisseries figurant les douze sibylles et, partout, le portrait du Roi ! Dans l’antichambre, trois portraits en miniature, aux murs de la chambre même, quatre grands portraits du Roi-Soleil accrochés là un peu comme des trophées de chasse !
Dans les autres pièces du château on pouvait encore admirer un tableau figurant la famille royale, un autre le roi d’Espagne, un autre le duc et la duchesse de Bourgogne, une tapisserie de Beauvais représentant la prise de Condé par le Roi, un buste de Louis Soleil en argent... sans oublier les portraits de ses soeurs et ceux de ses enfants. À noter qu’il y avait beaucoup plus de Toulouse que de Maine !
Pas de portrait de Mme de Maintenon, évidemment ! Mme de Maintenon qui avait passé un peu de son enfance au château de Mursay près de Niort, c’est-à-dire à une vingtaine de lieues d’Oiron !
Dernier tableau, un portrait, qui est toujours conservé aujourd’hui, celui de la propriétaire des lieux : Athénaïs elle-même, peinte par Pierre Mignard dit le Romain. Elle est représentée en Madeleine, gracieusement étendue sur une natte de jonc. La tête repose sur la main droite, dans la main gauche, un livre ouvert. Elle est ici, dans tout l’éclat de sa jeunesse et de sa beauté. Une chose, cependant, choqua les religieuses de l’hospice : elles trouvèrent que la pécheresse, bien que repentie, avait encore une gorge trop découverte et... Athénaïs dut « prendre le voile » ! Entendez par là que les bonnes soeurs d’Oiron ont tout simplement peint un tulle bleu sur les seins qu’elles estimaient trop dénudés !
En poursuivant la lecture de notre inventaire, côté bibliothèque, on ne trouvera que des ouvrages édifiants : une vie de Jésus, un traité de l’immortalité de l’âme, des livres d’offices... la théologie et la piété régnaient donc en souveraines dans les rayonnages de Mme de Montespan. Peu de grandes reliures, en revanche, mais cela ne surprendra guère les spécialistes qui n’ignorent pas que Quentin-Bauchart, dans son répertoire des Femmes bibliophiles, n’a recensé que six ouvrages aux armes de la marquise. C’est dire qu’en vente publique de tels exemplaires ont pu atteindre des sommes incroyables ! Quelques ouvrages médicaux enfin, tel un Recueil des remèdes faciles ou une Pharmacopée universelle. Des titres qui nous montreront qu’une fois de plus Saint-Simon a raison, lui qui raconte que Mme de Montespan était toujours très inquiète quant
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