Madame de Montespan
subissait Maine en tremblant, des colères à tout rompre, parce qu’elle ne supportait pas que sa belle-soeur, Mlle de Blois, soit plus plumée qu’elle au regard de l’étiquette, qu’elle n’acceptait que difficilement de lui céder le pas en l’appelant « Madame » ! Céder le pas, comment l’éviter, impossible ! Mais au lieu de lui donner du solennel « passez, Madame », la nerveuse duchesse du Maine chuchotera un irrespectueux : « passez, mignonne ! »
« On ne s’aime pas, écrit Mme de Sévigné, on se disputaille souvent, on appelle cela éplucher des écrevisses. »
Et pendant tout ce temps-là, Athénaïs promenait ses loisirs et ses inquiétudes à Bourbon, à Fontevrault, aux terres d’Antin... « Elle fut, dit Saint-Simon, des années à pouvoir se rendre à elle-même. Mais à la fin Dieu la toucha. »
Il la toucha par l’intermédiaire du père Pierre François de La Tour, le supérieur général de l’Oratoire. Que le Roi n’aimait guère parce qu’il le soupçonnait de jansénisme. Si Louis XIV ne l’apprécie pas, Athénaïs est enthousiasmée : sans doute parce qu’elle a trouvé en lui un confident, l’ami de Dieu à qui ouvrir son âme.
Mais le père de La Tour n’y alla pas de main morte !
Il a fait vestir Montespan
Et d’étamine et de bure...
chansonnait-on à la cour.
Et Saint-Simon d’ajouter : « Sa table qu’elle avait aimée avec excès devint la plus frugale, ses jeûnes fort multipliés... ses macérations étaient continuelles ; ses chemises et ses draps étaient de toile jaune la plus dure et la plus grossière, mais cachée sous des draps et une chemise ordinaires. Elle portait sans cesse des bracelets, des jarretières et une ceinture à pointes de fer, qui lui faisaient souvent des plaies ; et sa langue, autrefois si à craindre, avait aussi sa pénitence. »
L’oratorien n’y alla pas non plus par quatre chemins. Coucher sur un lit de paille d’avoine comme les paysannes, se mortifier avec des jarretières dont les pointes rappelaient la Couronne du Christ ne suffisait pas pour gagner le paradis. Non, pour obtenir l’indulgence du Tout-Puissant, il fallait aussi qu’Athénaïs fît le plus douloureux des actes de contrition : qu’elle s’humiliât en demandant pardon à son Gascon, qu’elle lui écrivît une lettre de soumission, qu’elle le suppliât de lui rouvrir sa porte et qu’elle lui promît de vivre sous son toit, humble et repentante comme la dernière de ses servantes. Elle accepta.
« À qui a connu Mme de Montespan, c’était le sacrifice le plus héroïque », constate Saint-Simon.
Il refusa.
« Elle eut le mérite sans essayer l’épreuve. » Le marquis de Montespan, en effet, fit savoir à la favorite déchue qu’il ne voulait ni la recevoir, ni lui prescrire rien, « ni ouïr parler d’elle de sa vie ». Et il aurait pu ajouter, se souvenant du funèbre simulacre d’obsèques en son château, que pour lui, elle était déjà morte et enterrée !
Le marquis aurait pu, malgré tout, tirer une croix sur son honneur et accepter que l’infidèle revînt au château, car il était criblé de dettes (comme à son habitude !) alors qu’Athénaïs valait encore mille louis d’or le mois ! Sa passion pour le jeu n’était pas faite pour atténuer son endettement chronique. Souvent, à Versailles, assis à la même table que son fils unique, il perdait en effet beaucoup et volontiers. Mais il lui arrivait aussi de jouer pour se distraire. Avec les princesses – filles de sa femme par exemple. « C’était s’esbaudit la Palatine, une très drôle de chose de le voir avec son fils d’Antin jouer avec Mme d’Orléans {54} et Mme la duchesse de Bourbon {55} . Il donnait alors très respectueusement et avec des baisements de main les cartes à ces princesses qui passaient pour ses enfants. Il trouvait lui-même cela plaisant. Il se retournait pour en rire. »
En 1701, le marquis de Montespan regagne sa Gascogne... qu’il ne quittera plus. Il y décline, sans doute victime d’une longue et douloureuse maladie comme on dit aujourd’hui très hypocritement. Il coule ses derniers jours en son château de Saint-Elix, près de Toulouse. Plus de trois mois de souffrances, selon le marquis d’Antin, son fils, qui n’arrive à Saint-Elix que pour le dernier soupir et la lecture du testament {56} . C’est le 23 octobre 1701 que M. de Montespan l’avait dicté à maître Faulquier son
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