Madame de Montespan
mourut. Car on a dit, en effet, que cet « échec de librairie » lui fut fatal. Mais en réalité il n’en est rien, il souffrait d’une bronchite aussi vilaine que tenace.
Printemps de l’an 1707 : Athénaïs prend la route de Bourbon-l’Archambault. « Irène se transporte à grands frais à Epidaure {57} voit Esculape et le consulte sur tous ses maux. Elle se plaint qu’elle est lasse et recrue de fatigue... Elle dit qu’elle est, le soir, sans appétit... qu’elle est sujette à des insomnies... qu’elle devient pesante, que le vin lui est nuisible et que sa vue s’affaiblit ; et elle demande quel est le moyen de guérir de cette langueur et Esculape lui répond :
— Le plus court, c’est de mourir, comme ont fait votre mère et votre aïeule {58} ! »
Mai 1707, Athénaïs arrive à Bourbon, mais... « les eaux de Bourbon seront la fontaine de la mort », écrit Arsène Houssaye qui ajoute – car au XIX e siècle le ridicule ne tuait pas avec les mêmes armes qu’aujourd’hui ! : « La mort de Mme de Montespan fut un coup de tonnerre. Il n’y a pas, dans toute la Bible, de pages plus effrayantes ! Jamais la main de Dieu ne se montra plus terrible et plus vengeresse... elle mourut un jour d’orage... elle mourut sans oser regarder son Dieu et sans oser se regarder elle-même tant elle était horrible à voir ! »
Nuit du 14 au 15 mai. Malaise, évanouissement prolongé. Les servantes sont effrayées. Affolement de la jeune maréchale de Coeuvres {59} qui a accompagné Athénaïs à Bourbon. Vite, de l’eau froide et du vinaigre ! Vite, le médecin !
Ni médecin, ni barbier, hélas, et le vinaigre qui n’en peut, mais. Vite, le vomitif ! Et l’émétique fit effet, et Mme de Montespan sortit de sa syncope.
— Comme je suis mal où je suis ! Comme je suis bien où je ne suis pas ! confia-t-elle alors à la jeune Mme de Coeuvres. Laquelle lui aurait répondu :
— Vous êtes mal même où vous n’êtes pas !
En réalité, elle est au plus mal. Mme de Coeuvres n’aurait-elle pas abusé de l’émétique ? Sans doute, car au dire de Saint-Simon, ce remède opéra soixante-trois fois !
Tous ces détails qu’a consignés le mémorialiste sont assurément très proches de la réalité, car, s’il n’était pas lui-même à Bourbon, Mme de Saint-Simon y était, elle, et elle a tout écouté, tout observé, tout transmis à son mari qu’elle chérissait. Des détails de première main, donc.
Maintenant, Athénaïs est consciente. Très fiévreuse aussi et comme « atteinte d’une maladie de langueur ». Le 17 au matin, elle s’éveilla parfaitement lucide. Elle réclama un prêtre. Elle souhaitait se confesser. Elle pria aussi ses domestiques de vouloir bien se grouper à son chevet et, quand ils y furent tous assemblés, elle demanda solennellement pardon des scandales qu’avaient pu causer ses emportements. « Tout cela, avec la plus parfaite tranquillité d’âme. » Plus d’appréhension donc, elle semblait résignée, avoir compris que « la mort n’est pas une chose aussi terrible que nous l’imaginons ; que nous la jugeons mal de loin, que c’est un spectre qui nous épouvante à une certaine distance et qui disparaît lorsqu’on vient à s’en approcher de près {60} ».
Ce même jour, 17 mai, elle avait demandé que l’on portât la nouvelle de son agonie à Antin, le fils légitime qui passait alors les beaux jours à Livry auprès de Monseigneur. Le 22, Antin arrivait à Bourbon.
Le 23, le maréchal de Villars entrait victorieux dans Stuttgart... où il ne laissera pas un bon souvenir ! Car il n’hésita pas à réclamer trois énormes contributions aux vaincus : la première pour payer la troupe, la deuxième pour payer les officiers, la troisième pour engraisser son veau {61} !
Le 24, le mal ne connut guère d’évolution.
Le 25 au soir, alors que l’imminence de la mort d’Athénaïs était parvenue à Versailles, Sa Majesté autorisa le comte de Toulouse à prendre la route de Bourbonl’Archambault. Le 26 mai, la malade reçut les derniers sacrements. Au gardien des capucins de Bourbon qui ne la quittait pas, elle murmura : « Mon père, exhortez-moi en ignorante, le plus simplement que vous pourrez. » Le capucin pria. Athénaïs parut s’endormir. Le coma.
Le 27 mai, à 3 heures du matin, elle ne respira plus. Le médecin de Bourbon constata en effet qu’aucune buée ne se formait plus sur le miroir
Weitere Kostenlose Bücher