Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Titel: Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
Vom Netzwerk:
charge des
uhlans qu’elle aura reçu cela, dit Koffel ; j’étais chez le
vieux Kraëmer, au premier ; je nettoyais son horloge, et j’ai
vu qu’ils tiraient en arrivant.
    – C’est possible, répondit l’oncle, qui
seulement alors eut l’idée de regarder la femme.
    Il prit le chandelier de la main du mauser,
et, debout derrière le lit, il contempla quelques secondes cette
malheureuse d’un air rêveur.
    – Oui, fit-il, c’est une belle femme et
une noble tête ! Quel malheur que de pareilles créatures
suivent les armées ! Ne serait-il pas bien mieux de les voir
au sein d’une honnête famille, entourées de beaux enfants, auprès
d’un brave homme, dont elles feraient le bonheur ! Quel
dommage ! Enfin… puisque c’est la volonté du Seigneur.
    Il sortit, appelant Lisbeth.
    – Tu vas chercher une de tes chemises
pour cette femme, lui dit-il, et tu la lui mettras toi-même.
– Mauser, Koffel, venez ; nous allons prendre un verre de
vin, car cette journée a été rude pour tous.
    Il descendit lui-même à la cave, et en revint
au moment où la vieille servante arrivait avec sa chemise. Lisbeth,
voyant que la cantinière n’était pas morte, avait repris
courage ; elle entra dans l’alcôve et tira les rideaux,
pendant que l’oncle débouchait la bouteille et ouvrait le buffet
pour y prendre des verres. Le mauser et Koffel paraissaient
contents. Je m’étais aussi rapproché de la table encore servie, et
nous finîmes de souper.
    Le chien nous regardait de loin ; l’oncle
lui jeta quelques bouchées de pain, qu’il ne voulut pas
prendre.
    En ce moment, une heure sonnait à
l’église.
    – C’est la demie, dit Koffel.
    – Non, c’est une heure ; je crois
qu’il serait temps de nous coucher, répondit le mauser.
    Lisbeth sortait de l’alcôve ; tout le
monde alla voir la femme vêtue de sa chemise ; elle semblait
dormir. Le chien s’était posé sur les pattes de devant, au bord du
lit, et regardait aussi. L’oncle lui passa la main sur la tête en
disant :
    – Va, ne crains plus rien ; elle en
reviendra… je t’en réponds !
    Et ce pauvre animal semblait comprendre ;
il gémissait avec douceur.
    Enfin on ressortit.
    L’oncle, avec la chandelle, reconduisit Koffel
et le mauser jusque dehors, puis il rentra et nous dit :
    – Allez vous coucher maintenant, il est
temps.
    – Et vous, monsieur le docteur ?
demanda la vieille servante.
    – Moi, je veille… cette femme est en
danger, et l’on peut aussi m’appeler dans le village.
    Il alla remettre une bûche au fourneau, et
s’étendit derrière, dans le fauteuil, en roulant un bout de papier
pour allumer sa pipe.
    Lisbeth et moi nous montâmes chacun dans notre
chambre ; mais ce ne fut que bien tard qu’il me fut possible
de dormir, malgré ma grande fatigue, car de demi-heure en
demi-heure, le roulement d’une charrette et le reflet des torches
sur les vitres m’avertissaient qu’il passait encore des morts.
    Enfin, au petit jour, tous ces bruits
cessèrent et, je m’endormis profondément.

V
     
    C’est le lendemain qu’il aurait fallu voir le
village, lorsque chacun voulut reconnaître ce qui lui restait et ce
qui lui manquait, et qu’on s’aperçut qu’un grand nombre de
Républicains, de uhlans et de Croates avaient passé par derrière
dans les maisons, et qu’ils avaient tout vidé ! C’est alors
que l’indignation fut universelle, et que je compris combien le
mauser avait eu raison de dire : « Maintenant les jours
de calme et de paix se sont envolés par ces trous ! »
    Toutes les portes et les fenêtres étaient
ouvertes pour voir le dégât, toute la rue était encombrée de
meubles, de voitures, de bétail, et de gens qui criaient :
« Ah ! les gueux… Ah ! les brigands… ils ont tout
pris ! »
    L’un cherchait ses canards, l’autre ses
poules ; l’autre, en regardant sous son lit, trouvait une
vieille paire de savates à la place de ses bottes ; l’autre,
en regardant dans sa cheminée, où pendaient la veille au matin des
andouilles et des bandes de lard, la voyait vide, et entrait dans
une fureur terrible ; les femmes se désolaient en levant les
mains au ciel, et les filles semblaient consternées.
    Et le beurre, et les œufs, et le tabac, et les
pommes de terre, et jusqu’au linge, tout avait été pillé ;
plus on regardait, plus il vous manquait de choses.
    La plus grande colère des gens se tournait
contre les Croates ; car, après le passage

Weitere Kostenlose Bücher