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Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Titel: Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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lit au fond de
l’alcôve. Le mauser, dont les joues couleur de brique prenaient aux
reflets de la torche des teintes pourpres, les éclairait.
    L’oncle remit quelques kreutzers à Jeffer, qui
sortit avec ses garçons.
    La vieille Lisbeth était venue voir ; son
menton tremblotait, elle n’osait approcher, et je l’entendais qui
récitait l’
Ave Maria
tout bas. Sa frayeur me gagnait
lorsque l’oncle s’écria :
    – Lisbeth, à quoi penses-tu donc ?
Au nom du ciel, es-tu folle ? Cette femme n’est-elle pas comme
toutes les femmes, et ne m’as-tu pas aidé cent fois dans mes
opérations ? Allons, allons… maintenant la folie reprend le
dessus. Va… chauffe de l’eau ; c’est tout ce que je puis
espérer de toi.
    Le chien s’était assis devant l’alcôve, et
regardait, à travers ses poils frisés, la femme étendue sur le lit,
immobile et pâle comme une morte.
    – Fritzel, me dit l’oncle, ferme les
volets, nous aurons moins d’air. Et vous, Koffel, faites du feu
dans le fourneau, car d’obtenir quelque chose maintenant de
Lisbeth, il n’y faut pas penser. Ah ! si parmi tant de misères
nous avions encore le bon esprit de rester un peu calmes !
Mais il faut que tout s’en mêle : quand le diable est en
route, on ne sait plus où il s’arrêtera.
    Ainsi parla l’oncle d’un air désolé. Je courus
fermer les volets, et j’entendis qu’il les accrochait à
l’intérieur. En regardant vers la fontaine, je vis que deux
nouvelles charrettes de morts partaient. Je rentrai tout
grelottant.
    Koffel venait d’allumer le feu, qui pétillait
dans le poêle ; l’oncle avait déployé sa trousse sur la
table ; le mauser attendait, regardant ces mille petits
couteaux reluire.
    L’oncle prit une sonde et s’approcha du lit,
écartant les rideaux ; le mauser et Koffel le suivaient. Alors
une grande curiosité me poussa et j’allai voir : la lumière de
la chandelle remplissait toute l’alcôve ; la femme était nue
jusqu’à la ceinture, l’oncle venait de lui découper ses
vêtements ; Koffel, avec une grosse éponge, lui lavait la
poitrine et les seins couverts d’un sang noir. Le chien regardait
toujours, il ne bougeait pas. Lisbeth était aussi revenue dans la
chambre ; elle me tenait par la main et marmottait je ne sais
quelle prière. Dans l’alcôve, personne ne parlait, et l’oncle,
entendant la vieille servante, lui cria vraiment fâché :
    – Veux-tu bien te taire, vieille
folle ! Allons, mauser, allons, relevez le bras.
    – Une belle créature, dit le mauser, et
bien jeune encore.
    – Comme elle est pâle ! fit
Koffel.
    Je me rapprochai davantage, et je vis la femme
blanche comme la neige, les seins droits, la tête rejetée en
arrière, ses cheveux noirs déroulés. Le mauser lui tenait le bras
en l’air, et au-dessous, entre le sein et l’aisselle, apparaissait
une ouverture bleuâtre d’où coulaient quelques gouttes de sang.
L’oncle Jacob, les lèvres serrées, sondait cette blessure ; la
sonde ne pouvait entrer. En ce moment je devins tellement attentif,
n’ayant jamais rien vu de pareil, que toute mon âme était au fond
de cette alcôve, et j’entendis l’oncle murmurer : « C’est
étrange ! »
    Au même instant la femme exhala un long
soupir, et le chien, qui s’était tu jusqu’alors, se prit à pleurer
d’une voix si lamentable et si douce, qu’on aurait dit un être
humain ; les cheveux m’en dressaient sur la tête. Le mauser
s’écria :
    – Tais-toi !
    Le chien se tut, et l’oncle dit :
    – Relevez donc le bras, mauser ;
Koffel, passez ici et soutenez le corps.
    Koffel passa derrière le lit et prit la femme
par les épaules ; aussitôt la sonde entra bien loin.
    La femme fit entendre un gémissement, et le
chien gronda.
    – Allons, s’écria l’oncle, elle est
sauvée. Tenez, Koffel, voyez, la balle a glissé sur les côtes, elle
est ici sous l’épaule ; la sentez-vous ?
    – Très bien.
    L’oncle sortit, et me voyant sous le rideau,
il s’écria :
    – Que fais-tu là ?
    – Je regarde.
    – Bon, maintenant, il regarde ! Il
est dit que tout doit aller de travers.
    Il prit un couteau sur la table et rentra.
    Le chien me regardait de ses yeux luisants, ce
qui m’inquiétait.
    Tout à coup la femme jeta un cri, et l’oncle
dit d’un ton joyeux :
    – La voici ! c’est une balle de
pistolet. La malheureuse a perdu beaucoup de sang, mais elle en
reviendra.
    – C’est pendant la grande

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