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Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Titel: Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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en
disant :
    – Lisbeth, vite, vite, monte là-haut…
dans l’armoire… la fiole grise à bouchon de verre…
Dépêche-toi !
    Et il rentra.
    Lisbeth courait ; moi je me tenais à la
basque de l’oncle. Le chien grondait, la femme était étendue comme
morte.
    La vieille servante revint avec la
fiole ; l’oncle regarda et dit d’une voix brève :
    – C’est cela, une cuiller.
    Je courus chercher ma cuiller ; il
l’essuya, versa quelques gouttes dedans, puis, relevant la tête de
la femme, il lui fit prendre ce qu’il y avait mis, en disant avec
une douceur extrême :
    – Allons, allons, du courage, mon enfant…
du courage…
    Je ne l’avais jamais entendu parler d’une voix
si douce, si tendre ; mon cœur en était serré.
    La femme soupira doucement, et l’oncle
l’étendit sur le lit en relevant l’oreiller. Après quoi, il
ressortit tout pâle et nous dit :
    – Allez dormir, laissez-moi seul… je
veillerai.
    – Mais, monsieur le docteur, fit Lisbeth,
déjà la nuit dernière…
    – Allez vous coucher, répéta l’oncle d’un
ton fâché ; je n’ai pas le temps d’écouter votre bavardage. Au
nom du ciel, laissez-moi tranquille… ceci peut devenir sérieux.
    Il nous fallut bien obéir.
    En montant l’escalier, Lisbeth, toute
tremblante, me dit :
    – As-tu vu cette malheureuse,
Fritzel ? Elle va peut-être mourir… eh bien ! la voilà
qui pense encore à sa République du diable. Ces gens-là sont de
véritables sauvages. Tout ce que nous pouvons faire, c’est de prier
que Dieu leur pardonne.
    Elle se mit donc à prier.
    Je ne savais que penser de tout cela. Mais
après avoir tant couru et m’être crotté jusqu’à l’échine, une fois
au lit, je m’endormis si profondément, que le retour des
Républicains eux-mêmes, leurs feux de peloton et de bataillon
n’auraient pu m’éveiller avant dix heures du matin.

VI
     
    Le lendemain du départ des Républicains, tout
le village savait déjà qu’une Française était chez l’oncle Jacob,
qu’elle avait reçu un coup de pistolet et qu’elle en reviendrait
difficilement. Mais comme il fallait réparer les toits des maisons,
les portes et les fenêtres, chacun avait bien assez de ses propres
affaires sans s’inquiéter de celles des autres, et ce n’est que le
troisième jour, quand tout fut à peu près remis en bon état, que
l’idée de la femme revint aux gens.
    Alors aussi Joseph Spick répandit le bruit que
la Française devenait furieuse, et qu’elle criait :
« Vive la République ! » d’une façon terrible.
    Le gueux se tenait sur le seuil de son
cabaret, les bras croisés, l’épaule au mur, ayant l’air de fumer sa
pipe, en disant aux passants :
    – Hé ! Nickel… Yokel… écoute…
écoute, comme elle crie ! N’est-ce pas abominable ?
Est-ce qu’on devrait souffrir cela dans le pays ?
    L’oncle Jacob, le meilleur homme du monde, en
vint à ce point d’indignation contre Spick, que je l’entendis
répéter plusieurs fois qu’il méritait d’être pendu.
    Malheureusement on ne pouvait nier que la
femme ne parlât de la France, de la République et d’autres choses
contraires au bon ordre ; toujours ces idées lui revenaient à
l’esprit, et cela nous mettait dans un embarras d’autant plus
grand, que toutes les commères, toutes les vieilles Salomé du
village arrivaient à la file chez nous, l’une le balai sous le
bras, la jupe retroussée ; l’autre ses aiguilles à tricoter
dans les cheveux, le bonnet de travers ; l’autre apportant son
rouet d’un air sentimental, comme pour filer au coin de l’âtre.
Celle-ci venait emprunter un gril, celle-là acheter un pot de lait
caillé, ou demander un peu de levure, pour faire le pain. Quelle
misère ! notre allée avait deux pouces de boue amassés par
leurs sabots.
    Et pendant que Lisbeth lavait ses assiettes ou
regardait dans ses marmites, il fallait les entendre jacasser, il
fallait les voir arriver, se faire la révérence et se donner des
tours de reins agréables.
    – Hé ! bonjour donc, mademoiselle
Lisbeth. Qu’il y a de temps qu’on ne vous a vue !
    – Ah ! c’est mademoiselle Oursoula,
Dieu du ciel ! que vous me faites plaisir ! Asseyez-vous
donc, mademoiselle Oursoula.
    – Oh ! vous êtes trop bonne, trop
bonne, mademoiselle Lisbeth… Un beau temps, ce matin ?
    – Oui, mademoiselle Oursoula, un très
beau temps… c’est un temps délicieux pour les rhumatismes.
    – Délicieux, et

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