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Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Titel: Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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du général, n’ayant
plus rien à craindre des plaintes qu’on pourrait faire, ils
s’étaient précipités dans les maisons, comme une bande de loups
affamés et Dieu sait ce qu’il avait fallu leur donner pour les
décider à partir, sans compter ce qu’ils avaient pris.
    C’est pourtant bien malheureux que la vieille
Allemagne ait des soldats plus à craindre pour elle que les
Français. Le Seigneur nous préserve d’avoir encore besoin de leur
secours !
    Nous autres enfants, Hans Aden, Frantz Sépel,
Nikel Johann et moi, nous allions de porte en porte, regardant les
tuiles cassées, les volets brisés, les hangars défoncés, et
ramassant les guenilles, les papiers de cartouches, les balles
aplaties le long des murs.
    Ces trouvailles nous réjouissaient tellement,
que pas un n’eut l’idée de rentrer avant la nuit close.
    Vers deux heures, nous fîmes la rencontre de
Zaphéri Schmouck, le fils du vannier, qui redressait sa tête rousse
et semblait plus fier que d’habitude. Il tenait quelque chose caché
sous sa blouse ; et comme nous lui demandions :
« Qu’est-ce que tu as ? » il nous fit voir la crosse
d’un grand pistolet de uhlan.
    Alors toute la bande le suivit.
    Il marchait au milieu de nous comme un
général, et à chaque nouvelle rencontre, nous disions :
« Il a un pistolet ! » Le nouveau venu se joignait à
la troupe.
    Nous n’aurions pas quitté Schmouck pour un
empire ; il nous semblait que la gloire de son pistolet
rejaillissait sur nous.
    Voilà bien les enfants, et voilà bien les
hommes !
    Chacun de nous se vantait des dangers qu’il
avait courus pendant la grande bataille :
    – J’ai entendu siffler les balles, disait
Frantz Sépel, deux sont entrées dans notre cuisine.
    – Moi, j’ai vu galoper le général des
uhlans avec son bonnet rouge, criait Hans Aden ; c’est bien
plus terrible que d’entendre siffler les balles.
    Ce qui m’enorgueillissait le plus, c’était que
le commandant républicain m’avait donné de la galette en
disant : « Avale-moi ça hardiment ! » Je me
trouvais digne d’avoir un pistolet comme Zaphéri : mais
personne ne voulait me croire.
    Schmouck, en passant devant le perron de la
maison commune, s’écria :
    – Venez voir !
    Nous montâmes le grand escalier derrière lui,
et devant la porte du conseil, percée d’une ouverture carrée,
grande comme la main, il nous dit :
    – Regardez… les habits des morts sont là…
Le père Jeffer et M. le bourgmestre les ont conduits là ce
matin, dans une charrette.
    Et nous restâmes plus d’une heure à contempler
ces habits, nous grimpant l’un à l’autre sur les épaules et
soupirant : « Laisse-moi donc aussi regarder, Hans Aden…
c’est mon tour ! »
    Ces habits étaient entassés au milieu de la
grande salle déserte, sous la lumière grise de deux hautes fenêtres
grillées. Il y avait des chapeaux républicains et des bonnets de
uhlans, des baudriers et des gibernes, des habits bleus et des
manteaux rouges, des sabres et des pistolets. Les fusils étaient
appuyés au mur à droite, et, plus loin, se trouvait une file de
lances.
    Cela donnait froid à voir, et j’en ai gardé le
souvenir.
    Au bout d’une heure, et comme la nuit venait,
tout à coup l’un de nous eut peur, et se mit à descendre l’escalier
en criant d’une voix terrible : « Les
voici ! »
    Alors toute la bande se précipita sur les
marches, galopant les mains en l’air et se bousculant dans l’ombre.
Ce qui m’étonne, c’est que pas un de nous ne se soit cassé le cou,
tant notre épouvante était grande. J’étais le dernier, et quoique
mon cœur bondît d’une force incroyable, au bas du perron je me
retournai pour regarder ; tout était gris au fond du
vestibule, la petite lucarne, à droite, éclairait les marches
noires d’un rayon oblique ; pas un soupir ne troublait le
silence sous la voûte sombre. Au loin, dans la rue, les cris
s’éloignaient. Je me pris à songer que l’oncle devait être inquiet
de moi, et je partis seul, non sans me retourner encore, car il me
semblait que des pas furtifs me suivaient, et je n’osais
courir.
    Devant l’auberge des
Deux-Clefs
, dont
les fenêtres brillaient au milieu de la nuit, je fis halte. Le
tumulte des buveurs me rassurait ; je regardai, par le petit
vasistas ouvert, dans la salle où bourdonnaient un grand nombre de
voix, je vis Koffel, le mauser, M. Richter et bien d’autres,
assis le long des tables de

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