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Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Titel: Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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l’autre, sans bruit.
C’était bien triste, et l’oncle me dit tout bas :
    – Descends, Fritzel, il faut la laisser
pleurer sans gêne.
    Mais comme j’allais descendre, elle étendit la
main et me retint en murmurant quelques paroles. L’oncle Jacob la
comprit et lui demanda :
    – Vous voulez embrasser
l’enfant ?
    – Oui, fit-elle.
    Il me pencha sur sa figure ; elle
m’embrassa en sanglotant toujours. Moi, je m’étais mis aussi à
pleurer.
    – C’est bon, fit l’oncle, c’est bon. Il
vous faut maintenant du calme, madame ; il faut tâcher de
dormir, la santé vous reviendra… Vous reverrez votre jeune frère…
Du courage !
    Il m’emmena dehors et referma les rideaux.
    Le mauser se promenait de long en large dans
la salle ; il avait la figure rouge et dit :
    – Ça, monsieur le docteur, c’est une
brave femme, une honnête femme… qu’elle soit républicaine ou tout
ce qu’on voudra… celui qui penserait le contraire ne serait qu’un
gueux.
    – Oui, répondit l’oncle, c’est une nature
généreuse, je l’ai reconnu tout de suite à sa figure. Il est
heureux que Fritzel se soit rappelé l’enfant. La pauvre femme avait
une grande inquiétude. Je comprends maintenant pourquoi ce nom de
Jean revenait toujours dans son délire. Tout ira mieux, mauser,
tout ira mieux, les larmes soulagent.
    Ils sortirent ensemble dans l’allée ; je
les entendis encore causer de ces choses sur le seuil de la
maison.
    Et comme je m’étais assis derrière le
fourneau, et que je m’essuyais les joues du revers de la manche,
tout à coup je vis le chien près de moi, qui me regardait avec
douceur. Il me posa la patte sur le genou et se mit à me
caresser ; pour la première fois je pris sa grosse tête frisée
entre mes bras, sans crainte. Il me semblait que nous étions amis
depuis longtemps et que je n’avais jamais eu peur de lui.
    En levant les yeux au bout d’une minute,
j’aperçus l’oncle qui venait d’entrer et qui m’observait en
souriant.
    – Tu vois, Fritzel, comme le pauvre
animal t’aime, dit-il ; maintenant il te suivra, car il a
reconnu ton bon cœur.
    Et c’était vrai, depuis ce jour le caniche ne
refusa plus de m’accompagner ; au contraire, il me suivait
gravement dans tout le village, ce qui me rendait encore plus fier
que Zaphéri Schmouck avec son pistolet de uhlan ; il
s’asseyait près de ma chaise pour lécher mes assiettes, et faisait
tout ce que je voulais.

VII
     
    La neige ne cessa point de tomber ce jour-là
ni la nuit suivante ; chacun pensait que les chemins de la
montagne en seraient encombrés, et qu’on ne reverrait plus ni les
uhlans ni les Républicains : mais un petit événement vint
encore montrer aux gens les tristes suites de la guerre, et les
faire réfléchir sur les malheurs de ce bas monde.
    C’était le lendemain du jour où la femme avait
repris connaissance, entre huit et neuf heures du matin. La porte
de la cuisine restait ouverte, pour laisser entrer la chaleur dans
la salle. Je me tenais à côté de Lisbeth, qui battait le beurre
auprès de l’âtre. En tournant un peu la tête, je voyais l’oncle
assis près de la fenêtre blanche ; il lisait l’almanach, et
souriait de temps en temps.
    Le chien Scipio était assis près de moi, fixe
et grave, et comme je goûtais à chaque instant la crème qui sortait
de la baratte, il bâillait d’un air mélancolique.
    – Mais, Fritzel, disait Lisbeth, à quoi
penses-tu donc ? Si tu manges toute la crème, nous n’aurons
plus de beurre.
    Dans la salle l’horloge marchait
lentement ; dehors le silence était absolu.
    Cela durait depuis une demi-heure, et Lisbeth
venait de mettre le beurre frais sur une assiette, lorsque des voix
s’entendirent dans la rue ; puis la porte de l’allée s’ouvrit,
des pieds chargés de neige battirent les dalles du vestibule.
L’oncle raccrocha son almanach au mur ; il regardait vers la
porte, quand le bourgmestre Meyer entra, son bonnet de laine
frisée, à double gland, tiré sur les oreilles, le collet de sa
casaque tout blanc de givre, et les mains fourrées dans ses moufles
de peau de lièvre jusqu’aux coudes.
    – Salut, monsieur le docteur,
salut ! dit le gros homme. J’arrive par un temps de
neige ; mais que voulez-vous, il le faut, il le
faut !
    Alors secouant ses moufles, qui restèrent
pendues à son cou par une ficelle, il releva son bonnet et
reprit :
    – Un pauvre diable, monsieur le docteur,
est étendu dans

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