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Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Titel: Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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ébouriffées, jetaient ce cri
plaintif de la misère, qui ne finit qu’au printemps.
    Moi, le coude sur l’oreiller, les yeux
éblouis, regardant la neige s’amonceler au bord des petites
fenêtres, je me figurais tout cela, et je revoyais aussi les hivers
passés : la lueur de notre grand fourneau s’avançant et
reculant le soir sur le plancher, le mauser, Koffel et l’oncle
Jacob autour, le dos courbé, fumant leur pipe et causant de choses
indifférentes. J’entendais le rouet de Lisbeth bourdonner dans le
silence, comme les ailes cotonneuses d’un papillon de nuit, et son
pied marquer la mesure de la complainte que chante la bûche verte
au milieu du foyer. Puis dehors, je me représentais les glissades
sur la rivière, les parties de traîneau, la bataille à pelotes de
neige, les éclats de rire, la vitre cassée qui tombe, la vieille
grand-mère qui crie du fond de l’allée, tandis que la bande se
disperse, les talons aux épaules.
    Tout cela, dans une seconde, me revint à
l’esprit, et, moitié triste, moitié content, je me dis :
« C’est l’hiver ! »
    Puis, songeant qu’il devait faire bon être
assis en face de l’âtre, devant une soupe à la farine, comme les
apprêtait Lisbeth, je sautai de mon lit et je m’habillai bien vite,
tout frileux. Après quoi, sans prendre le temps de mettre la
seconde manche de ma veste, je descendis l’escalier, roulant comme
une boule.
    Lisbeth balayait l’allée. La porte de la
cuisine était ouverte ; aussi malgré le beau feu qui dansait
autour de la crémaillère, je me dépêchai d’entrer dans la
chambre.
    L’oncle Jacob venait de rentrer d’une
visite ; sa grosse houppelande fourrée de renard et son bonnet
de loutre étaient pendus au mur, et ses grosses bottes debout près
du fourneau ; il prenait un petit verre de kirschenwasser avec
le mauser, qui avait veillé cette nuit-là. Tous deux semblaient de
bonne humeur.
    – Ainsi, mauser, disait l’oncle, la nuit
s’est bien passée ?
    – Très bien, monsieur le docteur, nous
avons tous dormi : la femme dans son lit, moi dans le
fauteuil, et le chien sous le rideau. Personne n’a remué. Ce matin,
en ouvrant la fenêtre, j’ai vu le pays aussi blanc que Hans Wurst,
lorsqu’il sort de son sac de farine ; tout cela s’était fait
sans bruit. Et comme j’ouvrais la fenêtre, vous remontiez déjà la
rue ; j’avais envie de vous crier « bonjour ! »
mais la femme dormait encore, je n’ai pas voulu l’éveiller.
    – Bon, bon, vous avez bien fait. À votre
santé, mauser !
    – À la vôtre, monsieur le
docteur !
    Ils humèrent d’un trait leurs petits verres,
et les remirent sur la table en souriant.
    – Tout va bien, reprit l’oncle, la
blessure se ferme, la fièvre diminue, mais les forces manquent
encore, le pauvre être a perdu trop de sang. Enfin, enfin, tout
cela reviendra.
    Je m’étais assis près du fourneau. Le chien
sortit alors de l’alcôve et vint caresser l’oncle, qui, le
regardant, se prit à dire :
    – Quelle bonne bête ! Tenez, mauser,
est-ce qu’on ne dirait pas qu’il nous comprend ? Est-ce qu’il
ne paraît pas plus joyeux ce matin ? On ne m’ôtera jamais de
l’esprit que ces animaux comprennent bien des choses : s’ils
ont moins de jugement que nous, ils ont souvent plus de cœur.
    – C’est clair, fit le mauser. Moi, tout
le temps de la fièvre, je ne regardais que le chien et je
pensais : « Il est triste, ça va mal ! – Il est
gai, ça va bien ! » Ma foi, je suis comme vous, monsieur
le docteur, j’ai beaucoup de confiance dans l’esprit des
animaux.
    – Allons, mauser, reprit l’oncle, encore un
petit verre, il fait froid dehors, et le vieux kirschenwasser vous
réchauffe comme un rayon de soleil.
    Il ouvrit le buffet, apporta la miche et deux
couteaux, et dit :
    – Cassons une croûte.
    Le mauser inclina la tête, et l’oncle me
voyant, dit en souriant :
    – Eh bien, Fritzel, les pelotes de neige
et les glissades vont recommencer ! Est-ce que cela ne te
réjouit pas ?
    – Si, mon oncle.
    – Oui… oui… amuse-toi, on n’est jamais
plus heureux qu’à ton âge, garçon ; mais surtout ne fais pas
tes pelotes trop dures. Ceux qui serrent trop leurs pelotes ne
veulent pas s’amuser, ils veulent faire du mal : ce sont de
méchants drôles.
    – Hé ! dit le mauser en riant, moi,
monsieur le docteur, je serrais toujours mes pelotes.
    – Et voilà le tort que vous aviez,
mauser,

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