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Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Titel: Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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répondit l’oncle ; cela prouve que, dans votre nature,
il se trouvait un fond de malice. Heureusement vous avez vaincu
cela par la raison. Je suis sûr que vous vous repentez d’avoir trop
serré vos pelotes.
    – Oh oui ! fit le mauser, ne sachant
que répondre, quoique les autres les aient aussi serrées.
    – On ne doit jamais s’inquiéter des
autres ; il faut faire ce que le bon cœur nous commande, dit
l’oncle. Tous les hommes sont naturellement bons et justes, mais le
mauvais exemple les entraîne.
    Comme nous causions ainsi, quelques paroles
s’entendirent dans l’alcôve ; tout le monde se tut, prêtant
l’oreille.
    – Ceci, mauser, murmura l’oncle, n’est
plus la voix du délire, c’est une voix faible, mais naturelle.
    Et se levant, il écarta les rideaux. Le mauser
et moi nous étions derrière lui, le cou tendu. La femme, bien pâle
et bien maigre, semblait dormir ; on l’entendait à peine
respirer. Mais au bout d’un instant elle ouvrit les yeux, et nous
regarda l’un après l’autre, comme étonnée, puis le fond de
l’alcôve, puis les fenêtres blanches de neige, l’armoire, la
vieille horloge, puis le chien qui s’était dressé, la patte au bord
du lit. Cela dura bien une minute ; enfin elle referma les
yeux, et l’oncle dit tout bas :
    – Elle est revenue à elle.
    – Oui, fit le mauser du même ton, elle
nous a vus, elle ne nous connaît pas, et maintenant elle songe à ce
qu’elle vient de voir.
    Nous allions nous retirer, quand la femme
rouvrit les yeux, et, faisant un effort, voulut parler. Mais alors
l’oncle élevant la voix, lui dit avec bonté :
    – Ne vous agitez pas, madame, soyez
calme, n’ayez aucune inquiétude… Vous êtes chez des gens qui ne
vous laisseront manquer de rien… Vous avez été malade… maintenant
vous allez mieux… Mais, je vous en prie, ayez confiance… vous êtes
chez des amis… chez de véritables amis.
    Pendant qu’il parlait, la femme le regardait
de ses grands yeux noirs ; on voyait qu’elle le comprenait.
Mais malgré sa recommandation, après un instant de silence, elle
essaya de parler encore et dit tout bas :
    – Le tambour… le petit tambour…
    Alors l’oncle, regardant le mauser, lui
demanda :
    – Comprenez-vous ?
    Et le mauser, portant la main à sa tête,
dit :
    – Un restant de fièvre, docteur, un petit
restant ; cela passera.
    Mais la femme, d’un accent plus fort,
répéta :
    – Jean… le petit tambour !
    Je me tenais sur la pointe des pieds, fort
attentif ; et l’idée me vint tout à coup qu’elle parlait du
petit tambour que j’avais vu couché sous notre hangar, le jour de
la grande bataille. Je me rappelai qu’elle le regardait aussi de la
fenêtre en face, en raccommodant sa petite culotte, et je
dis :
    – Oncle, elle parle peut-être du petit
tambour qui était avec les Républicains.
    Aussitôt la pauvre femme voulut se
retourner :
    – Oui… oui… fit-elle, Jean… mon
frère !
    – Restez tranquille, madame, dit l’oncle,
ne faites pas de mouvement ; votre blessure pourrait se
rouvrir. Mauser, approchez la chaise.
    Et me prenant sous les bras, il m’éleva devant
elle en me disant :
    – Raconte à madame ce que tu sais,
Fritzel. Tu te rappelles le petit tambour ?
    – Oh ! oui ; le matin de la
bataille, il était couché sous notre hangar, le chien sur ses
pieds ; il dormait, je me le rappelle bien ! lui
répondis-je tout troublé, car la femme me regardait alors jusqu’au
fond de l’âme, comme elle avait regardé l’oncle.
    – Et ensuite, Fritzel ?
    – Ensuite, il était avec les autres
tambours, au milieu du bataillon, quand les Croates sont arrivés.
Et tout à la fin, quand on a mis le feu dans la rue, et que les
Républicains sont partis, je l’ai revu derrière.
    – Blessé ? fit la femme d’une voix
si faible, qu’on pouvait à peine l’entendre.
    – Oh ! non ; il avait son
tambour sur l’épaule et pleurait en marchant, et un autre plus
grand lui disait : « Allons, courage, petit Jean,
courage ! » Mais il n’avait pas l’air d’entendre… il
avait les joues toutes mouillées.
    – Tu es bien sûr de l’avoir vu s’en
aller, Fritzel ? demanda l’oncle.
    – Oui, mon oncle : il me faisait de
la peine ; je l’ai regardé jusqu’au bout du village.
    Alors la femme referma les yeux, et nous
entendîmes qu’elle sanglotait intérieurement. Des larmes lui
coulaient le long des joues, l’une après

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