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Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Titel: Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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le bûcher de Réebock, derrière un tas de fagots.
C’est un soldat, ou bien un caporal, ou bien un
hauptmann
[4] , je ne sais pas au juste. Il se sera
retiré là, pour mourir sans trouble pendant le combat. À cette
heure, il faudrait dresser l’acte mortuaire ; je ne peux pas
vérifier de quoi cet homme est mort ; cela n’entre pas dans
mes attributions.
    – C’est bien, bourgmestre, dit l’oncle en
se levant, j’arrive. Mais il faudrait encore un témoin.
    – Michel Furst est dehors, dit le
bourgmestre ; il m’attend sur la porte. Quelle neige !
quelle neige ! jusqu’aux genoux, monsieur le docteur. Ça fera
du bien aux semailles, et aux armées de Sa Majesté, qui vont
prendre leurs quartiers d’hiver. Que Dieu les bénisse ! J’aime
mieux qu’elles les prennent du côté de Kaiserslautern qu’ici :
on n’a jamais de meilleur ami que soi-même.
    Tandis que le bourgmestre se faisait ces
réflexions, l’oncle mettait ses bottes, sa grosse houppelande et
son bonnet de loutre. Après quoi il dit :
    – M’y voilà !
    Ils sortirent, et, malgré les prières de
Lisbeth, qui voulait me retenir, je n’eus rien de plus pressé que
de m’échapper et de les suivre à la piste ; la curiosité du
diable m’avait repris : je voulais voir le soldat.
    L’oncle Jacob, le bourgmestre et Furst
marchaient seuls dans la rue déserte ; mais à mesure qu’ils
avançaient, des figures se montraient aux vitres des maisons, et
l’on entendait des portes s’ouvrir au loin. Les gens, voyant passer
le bourgmestre, le médecin et le garde champêtre, pensaient qu’il
devait y avoir quelque chose d’extraordinaire ; plusieurs même
sortaient, mais, ne découvrant rien, ils rentraient aussitôt.
    En arrivant à la maison de Réebock,
– l’une des plus vieilles du village, avec grange, écuries et
hangar derrière sur les champs, les étables de chaume tout moisi, à
droite, – en arrivant là, le bourgmestre, Furst et l’oncle
entrèrent dans la petite allée sombre, aux dalles concassées.
    Je les suivais, ils ne me voyaient pas.
    Le vieux Réebock, qui les avait vus passer
devant ses petites fenêtres, ouvrit la chambre, pleine de vapeur
comme une étuve, où se tenaient la vieille grand-mère, ses deux
fils et ses deux brus.
    Leur chien, au long poil gris et la queue
traînante, sortit aussi, et flaira Scipio qui me suivait et qui se
redressa fièrement, tandis que l’autre tournait autour de lui pour
faire connaissance.
    – Je vais vous montrer, dit le vieux
Réebock, c’est là-bas, au fond… derrière la grange.
    – Non, restez, père Réebock, répondit
l’oncle ; il fait froid, vous êtes vieux ; votre fils
nous montrera cela.
    Mais le fils, après avoir découvert le soldat,
s’était sauvé.
    Le vieux marcha devant. Nous suivions à la
file. Il faisait extrêmement noir dans l’allée. En passant nous
vîmes l’étable éclairée par une vitre dans le toit, cinq chèvres
aux mamelles gonflées, qui nous regardèrent de leurs yeux d’or, et
deux biquets, qui se mirent à chevroter d’une voix plaintive et
grêle ; puis l’écurie, les deux bœufs et la vache, avec leur
râtelier vermoulu et leur litière de feuilles mortes. Les animaux
se retournèrent en silence.
    Nous filions le long du mur ; quelque
chose déboula sous mes pieds, c’était un lapin qui disparut sous la
crèche ; Scipio ne bougea point.
    Plus loin nous arrivâmes à la grange, basse,
encombrée de paille et de foin jusqu’au toit. Tout au fond nous
vîmes une lucarne bleuâtre, donnant sur le jardin ; un grand
tas de bûches et quelques fagots rangés contre le mur recevaient sa
lumière ; plus bas tout était sombre.
    Chose bizarre, dans la lucarne se tenaient un
coq et deux ou trois poules, la tête sous l’aile se détachant en
noir sur cette lumière.
    D’abord je ne vis pas grand-chose, à cause de
l’obscurité. Tout le monde s’était arrêté. On entendait les poules
caqueter tout bas.
    – J’aurais peut-être bien fait d’allumer
la lanterne, dit le vieux Réebock ; on ne voit pas bien
clair.
    Comme il parlait, j’aperçus à droite de la
lucarne, étendu contre le mur, entre deux fagots, un grand manteau
rouge, puis, en regardant mieux, une tête noire avec de longues
moustaches jaunâtres : le coq venait de sauter de la lucarne
et avait donné du jour.
    Alors la peur s’empara de moi ; si je
n’avais pas senti Scipio contre ma jambe, je me serais enfui.
    – Je vois,

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