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Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Titel: Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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que la bataille de
Kaiserslautern n’est pas aussi décisive qu’on le croyait, et que
votre bataillon n’a pas donné ; le petit Jean n’a pas couru de
nouveaux dangers.
    – Ah ! cela suffit, dit
Mme Thérèse en se recouchant d’un air de bonheur et
d’attendrissement inexprimables, cela suffit ! Vous ne m’en
diriez pas plus, que je serais déjà trop heureuse. Réchauffez-vous,
monsieur le docteur, mangez, ne vous pressez pas, je puis attendre
maintenant.
    Lisbeth servait alors la soupe, et l’oncle, en
s’asseyant, dit encore :
    – Oui, c’est positif, vous pouvez être
tranquille sur ces deux points. Tout à l’heure je vous dirai le
reste.
    Puis nous nous mîmes à manger, et l’oncle me
regardant de temps en temps, souriait comme pour dire :
« Je crois que tu veux me rattraper ; où diable as-tu
pris un appétit pareil, toi ? »
    Bientôt cependant notre grande faim se
ralentit ; nous songeâmes au pauvre Scipio, qui nous regardait
d’un œil stoïque, et ce fut son tour de manger. L’oncle but encore
un bon coup, puis il alluma sa pipe, et se rapprochant de l’alcôve,
il prit la main de Mme Thérèse comme pour lui tâter le pouls,
en disant :
    – M’y voilà !
    Elle ne disait rien et souriait. Alors il
avança le fauteuil, écarta les rideaux, plaça la chandelle sur la
table de nuit, et s’étant assis, il commença l’histoire de la
bataille. Je l’écoutais le bras appuyé derrière lui sur le
fauteuil. Lisbeth se tenait debout dans l’ombre de la salle.
    – Les Républicains sont arrivés devant
Kaiserslautern le 27 au soir, dit-il ; depuis trois jours les
Prussiens y étaient ; ils avaient fortifié la position en
plaçant des canons au haut des ravins qui montent sur le plateau.
Le général Hoche les suivait depuis la ligne de l’Erbach ; il
avait même voulu les entourer à Bisingen, et résolut aussitôt de
les culbuter le lendemain. Les Prussiens étaient 40 000 hommes, et
les Français 30 000.
    « Le lendemain donc, l’attaque commença
sur la gauche ; les Républicains, conduits par le général
Ambert, se mirent à grimper le ravin au pas de charge en
criant : « Landau ou la mort ! » Dans ce moment
même, Hoche devait attaquer le centre ; mais il était couvert
de bois et de hauteurs, il lui fut impossible d’arriver à
temps ; le général Ambert dut reculer sous le feu des
Prussiens ; il avait toute l’armée de Brunswick contre lui. Le
jour suivant, 29 novembre, c’est Hoche qui attaqua par le
centre ; le général Ambert devait tourner la droite, mais il
s’égara dans les montagnes, de sorte que Hoche fut accablé à son
tour. Malgré cela, l’attaque devait recommencer le lendemain 30
novembre. Ce jour-là, Brunswick fit un mouvement en avant, et les
Républicains, de crainte d’être coupés, se mirent en retraite.
    « Voilà ce que je sais de positif, et de
la bouche même d’un commandant républicain, blessé d’un coup de feu
à la hanche, le second jour de la bataille. Le Dr Feuerbach, un de
mes vieux amis d’Université, m’a conduit près de cet homme ;
sans cela je n’aurais rien appris au juste, car des Prussiens on ne
peut tirer que des vanteries.
    « Toute la ville parle de ces événements,
mais chacun à sa manière ; une grande agitation règne encore
là-bas ; des convois de blessés partent sans cesse pour
Mayence ; l’hôpital de la ville est encombré de malades, et
les bourgeois sont forcés de recevoir des blessés chez eux, en
attendant qu’il soit possible de les évacuer… »
    On pense avec quelle attention
Mme Thérèse écoutait ce récit.
    – Je vois… je vois… disait-elle
tristement la main appuyée contre la tempe, nous avons manqué
d’ensemble.
    – Justement, vous avez manqué d’ensemble,
voilà ce que tout le monde dit à Kaiserslautern ; mais cela
n’empêche pas que l’on reconnaisse le courage et même l’audace
extraordinaire de vos Républicains. Quand ils criaient :
« Landau ou la mort ! » au milieu du roulement de la
fusillade et du grondement des canons, toute la ville les
entendait, il y avait de quoi vous faire frémir. Maintenant ils
sont en retraite, mais Brunswick n’a pas osé les poursuivre.
    Il y eut un instant de silence, et
Mme Thérèse demanda :
    – Et comment savez-vous que notre
bataillon n’a pas donné, monsieur le docteur ?
    – Ah ! c’est par le commandant
républicain ; il m’a dit que le premier bataillon de

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