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Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Titel: Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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par mon père et mon grand-père, est honoré de votre
présence, oui, honoré !
    Ainsi parla l’oncle, gravement, en appuyant
sur les mots, et déposant sa pipe sur la table, parce qu’il était
vraiment ému.
    Et Mme Thérèse finit par dire :
    – Monsieur le docteur, ne parlez pas
ainsi, ou je serai forcée de m’en aller. Je vous en prie, ne parlez
plus de tout cela.
    – Je vous ai dit ce que je pense,
répondit l’oncle en se levant, et maintenant je n’en parlerai plus,
puisque telle est votre volonté ; mais cela ne m’empêchera pas
d’honorer en vous une douce et noble créature, et d’être fier de
vous avoir donné mes soins. Et le commandant m’a dit aussi quel
était votre père et quels étaient vos frères : des gens
simples, naïfs, partis tous ensemble pour défendre ce qu’ils
croyaient être la justice. Quand tant de milliers d’hommes
orgueilleux ne pensent qu’à leurs intérêts, et, je le dis à regret,
quand ils se croient nobles en ne songeant qu’aux choses de la
matière, on aime à voir que la vraie noblesse, celle qui vient du
désintéressement et de l’héroïsme, se réfugie dans le peuple.
Qu’ils soient Républicains ou non, qu’importe ! je pense, en
âme et conscience, que les vrais nobles à la face de l’Éternel sont
ceux qui remplissent leur devoir.
    L’oncle, dans son exaltation, allait et venait
dans la salle, se parlant à lui-même. Mme Thérèse, ayant
essuyé ses larmes, le regardait en souriant et lui dit :
    – Monsieur le docteur, vous nous avez
apporté de bonnes nouvelles, merci, merci ! Maintenant je vais
aller mieux.
    – Oui, répondit l’oncle en s’arrêtant,
vous irez de mieux en mieux. Mais voici l’heure du repos ; la
fatigue a été longue, et je crois que ce soir nous dormirons tous
bien. Allons, Fritzel, allons, Lisbeth, en route ! Bonsoir,
madame Thérèse.
    – Bonne nuit, monsieur le docteur.
    Il prit la chandelle, et le front penché, tout
rêveur, il monta derrière nous.

XII
     
    Le lendemain fut un jour de bonheur pour la
maison de l’oncle Jacob.
    Il était bien tard lorsque je m’éveillai de
mon profond sommeil ; j’avais dormi douze heures de suite
comme une seconde, et la première chose que je vis, ce furent mes
petites vitres rondes couvertes de ces fleurs d’argent, de ces
toiles transparentes et de ces mille ornements de givre, tels que
la main de nul ciseleur ne pourrait en dessiner. Ce n’est pourtant
qu’une simple pensée de Dieu, qui nous rappelle le printemps au
milieu de l’hiver ; mais c’est aussi le signe d’un grand
froid, d’un froid sec et vif qui succède à la neige ; alors
toutes les rivières sont prises et même les fontaines, les sentiers
humides sont durcis et les petites flaques d’eau couvertes de cette
glace blanche et friable qui craque sous les pieds comme des
coquilles d’œufs.
    En regardant cela, le nez à peine hors de ma
couverture et le bonnet de coton tiré jusqu’au bas de la nuque, je
revoyais tous les hivers passés et je me disais :
« Fritzel, tu n’oseras jamais te lever, pas même pour aller
déjeuner, non, tu n’oseras pas ! »
    Cependant une bonne odeur de soupe à la crème
montait de la cuisine et m’inspirait un terrible courage.
    J’étais là dans mes réflexions depuis une
demi-heure, et j’avais arrêté d’avance que je sauterais du lit, que
je prendrais mes habits sous le bras, et que je courrais dans la
cuisine m’habiller près de l’âtre, lorsque j’entendis l’oncle Jacob
se lever dans la chambre à côté de la mienne, ce qui me fit juger
que les grandes fatigues de la veille l’avaient rendu tout aussi
dormeur que moi. Quelques instants après, je le vis entrer dans ma
chambre, riant et grelottant, en culotte et manches de chemise.
    – Allons, allons, Fritzel, s’écria-t-il,
hop ! hop ! du courage… Tu ne sens donc pas l’odeur de la
soupe !
    Il agissait ainsi tous les hivers, quand il
faisait bien froid, et s’amusait de me voir dans une grande
incertitude.
    – Si l’on pouvait m’apporter la soupe
ici, lui dis-je, je la sentirais encore bien mieux.
    – Oh ! le poltron, le poltron !
dit l’oncle, il aurait le cœur de manger au lit, voilà de la
paresse !
    Alors, pour me montrer le bon exemple, il
versa l’eau froide de ma cruche dans la grande écuelle, et se lava
la figure des deux mains devant moi, en disant :
    – C’est ça qui fait du bien, Fritzel,
c’est ça qui vous ragaillardit

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