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Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Titel: Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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à la
rosée et à la lumière du ciel ; qu’ainsi l’ivraie
n’étoufferait pas le bon grain, et qu’on ne prodiguerait pas
inutilement aux chardons la culture qui pouvait faire prospérer des
plantes plus utiles.
    Mme Thérèse répondit que la Convention
nationale avait voté cinquante-quatre millions de francs pour
l’instruction publique, – avec le regret de ne pouvoir faire
plus, – dans un moment où toute l’Europe se levait contre
elle, et où il lui fallait tenir quatorze armées sur pied.
    Les yeux de Koffel, en entendant cela, se
remplirent de larmes, et je me rappellerai toujours qu’il dit d’une
voix tremblante :
    – Eh bien ! qu’elle soit bénie,
qu’elle soit bénie ! Tant pis pour nous ; mais, quand je
devrais tout y perdre, c’est pour elle que sont mes vœux.
    Le mauser resta longtemps silencieux, mais une
fois qu’il eut commencé, il n’en finit plus ; ce n’est pas
seulement l’instruction des enfants qu’il demandait, lui, c’était
le bouleversement de tout de fond en comble. On n’aurait jamais cru
qu’un homme si paisible pouvait couver des idées pareilles.
    – Je dis qu’il est honteux de vendre des
régiments comme des troupeaux de bœufs, s’écriait-il d’un ton
grave, la main étendue sur la table ; – je dis qu’il est
encore plus honteux de vendre des places de juges, parce que les
juges, pour rentrer dans leur argent, vendent la justice ;
– je dis que les Républicains ont bien fait d’abolir les
couvents, où s’entretiennent la paresse et tous les vices,
– et je dis que chacun doit être libre d’aller, de venir, de
commercer, de travailler, d’avancer dans tous les grades sans que
personne s’y oppose. Et finalement je crois que si les frelons ne
veulent pas s’en aller ni travailler, le bon Dieu veut que les
abeilles s’en débarrassent, ce qu’on a toujours vu, et ce qu’on
verra toujours jusqu’à la fin des siècles.
    Le vieux Schmitt, alors plus à son aise, dit
qu’il avait les mêmes idées que le mauser et Koffel ; et
l’oncle, qui jusqu’alors avait gardé son calme, ne put s’empêcher
d’approuver ces sentiments, les plus vrais, les plus naturels et
les plus justes.
    – Seulement, dit-il, au lieu de tout vouloir
faire en un jour, il vaudrait mieux aller lentement et
progressivement ; il faudrait employer des moyens de
persuasion et de douceur, comme l’a fait le Christ ; ce serait
plus sage ; et l’on obtiendrait les mêmes résultats.
    Mme Thérèse souriant alors, lui
dit :
    – Ah ! monsieur Jacob, sans doute,
sans doute, si tout le monde vous ressemblait ; mais depuis
combien de centaines d’années le Christ a-t-il prêché la bonté, la
justice et la douceur aux hommes ? Et pourtant, voyez si vos
nobles l’écoutent ; voyez s’ils traitent les paysans comme des
frères… non… non ! C’est malheureux, mais il faut la guerre.
Dans les trois ans qui viennent de se passer, la République a plus
fait pour les droits de l’homme que les dix-huit cents ans avant.
Croyez-moi, monsieur le docteur, la résignation des honnêtes gens
est un grand mal, elle donne de l’audace aux gueux et ne produit
rien de bon.
    Tous ceux qui se trouvaient là pensaient comme
Mme Thérèse, et l’oncle Jacob allait répondre, lorsque le
messager Clémentz, avec son grand chapeau recouvert d’une toile
cirée et sa gibecière de cuir roux, entr’ouvrit la porte et lui
tendit le journal.
    – Vous ne prenez pas le café, Clémentz,
lui dit l’oncle.
    – Non, monsieur Jacob, merci… je suis
pressé, toutes les lettres sont en retard… Une autre fois.
    Il sortit, et nous le vîmes repasser devant
nos fenêtres en courant.
    L’oncle rompit la bande du journal et se mit à
lire d’une voix grave les nouvelles de ces temps lointains. Quoique
bien jeune alors, j’en ai gardé le souvenir ; cela ressemblait
aux prédictions du mauser et m’inspirait un intérêt véritable. Le
vieux
Zeitblatt
traitait les Républicains d’espèces de
fous, ayant formé l’entreprise audacieuse de changer les lois
éternelles de la nature. Il rappelait au commencement la manière
terrible dont Jupiter avait accablé les Titans révoltés contre son
trône, en les écrasant sous des montagnes, de sorte que, depuis,
ces malheureux vomissent de la cendre et de la flamme dans les
sépulcres du Vésuvius et de l’Etna. Puis il parlait de la fonte des
cloches, dérobées au culte de nos pères et transformées en

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