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Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Titel: Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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état de choses, il faut abrutir les hommes,
parce que des êtres intelligents ne le souffriraient pas ;
qu’un tel abrutissement est contraire aux lois de l’Éternel ;
qu’il faut combattre par tous les moyens ceux qui veulent le
produire à leur profit, même par la guerre, le plus terrible de
tous, il est vrai, mais dont le crime retombe sur la tête de ceux
qui le provoquent en voulant fonder l’iniquité éternelle !
    Chaque fois que l’oncle entendait ces
réponses, il devenait grave. Avait-il une course à faire dans la
montagne, il montait à cheval tout rêveur, et toute la journée il
cherchait de nouvelles et plus fortes raisons pour convaincre
Mme Thérèse. Le soir il revenait plus joyeux, avec des preuves
qu’il croyait invincibles, mais sa croyance ne durait pas
longtemps ; car cette femme simple, au lieu de parler des
Grecs et des Égyptiens, voyait tout de suite le fond des choses, et
détruisait les preuves historiques de l’oncle par le bon sens.
    Malgré tout cela, l’oncle Jacob ne se fâchait
pas : au contraire, il s’écriait d’un air
d’admiration :
    – Quelle femme vous êtes, madame
Thérèse ! Sans avoir étudié la logique, vous répondez à
tout ! Je voudrais bien voir la mine que ferait le rédacteur
du
Zeitblatt
en discutant contre vous ; je suis sûr
que vous l’embarrasseriez, malgré sa grande science et même sa
bonne cause ; car la bonne cause est de notre côté, seulement
je la défends mal.
    Alors ils riaient tous deux ensemble, et
Mme Thérèse disait :
    – Vous défendez très bien la paix, je
suis de votre avis ; seulement tâchons de nous débarrasser
d’abord de ceux qui veulent la guerre, et pour nous en débarrasser,
faisons-la mieux qu’eux. Vous et moi nous serions bientôt d’accord,
car nous sommes de bonne foi, et nous voulons la justice ;
mais les autres, il faut bien les convertir à coups de canon,
puisque c’est la seule voix qu’ils entendent, et la seule raison
qu’ils comprennent.
    L’oncle ne disait plus rien alors, et, chose
qui m’étonnait beaucoup, il avait même l’air content d’avoir été
battu.
    Après ces grandes discussions politiques, ce
qui faisait le plus de plaisir à l’oncle Jacob, c’était de me
trouver, au retour de ses courses, en train de prendre ma leçon de
français, Mme Thérèse assise, le bras autour de ma taille, et
moi debout, penché sur le livre. Alors il entrait tout doucement
pour ne pas nous déranger, et s’asseyait en silence derrière le
fourneau, allongeant les jambes et prêtant l’oreille dans une sorte
de ravissement ; il attendait quelquefois une demi-heure avant
de tirer ses bottes et de mettre sa camisole, tant il craignait de
me distraire, et quand la leçon était finie, il
s’écriait :
    – À la bonne heure, Fritzel, à la bonne
heure, tu prends goût à cette belle langue, que Mme Thérèse
t’explique si bien. Quel bonheur pour toi d’avoir un maître
pareil ! Tu ne sauras cela que plus tard.
    Il m’embrassait tout attendri : ce que
Mme Thérèse faisait pour moi, il l’estimait plus que pour
lui-même.
    Je dois reconnaître aussi que cette excellente
femme ne m’ennuyait pas une minute durant ses leçons ;
voyait-elle mon attention se lasser, aussitôt elle me racontait de
petites histoires qui me réveillaient ; elle avait surtout un
certain catéchisme républicain, plein de traits nobles et
touchants, d’actions héroïques et de belles sentences, dont le
souvenir ne s’effacera jamais de ma mémoire.
    Les choses se poursuivirent ainsi plusieurs
jours. Le mauser et Koffel arrivaient tous les soirs, selon leur
habitude ; Mme Thérèse était complètement rétablie, et
cela semblait devoir durer jusqu’à la consommation des siècles,
lorsqu’un événement extraordinaire vint troubler notre quiétude, et
pousser l’oncle Jacob aux entreprises les plus audacieuses.

XIV
     
    Un matin l’oncle Jacob lisait gravement le
catéchisme républicain derrière le fourneau ; Mme Thérèse
cousait près de la fenêtre, et moi j’attendais un bon moment pour
m’échapper avec Scipio.
    Dehors, notre voisin Spick fendait du
bois ; aucun autre bruit ne s’entendait au village.
    La lecture de l’oncle semblait l’intéresser
beaucoup ; de temps en temps il levait sur nous un regard en
disant :
    – Ces Républicains ont de bonnes
choses ; ils voient les hommes en grand… leurs principes
élèvent l’âme… C’est vraiment beau ! Je

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