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Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Titel: Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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vertu devait seul
triompher, et finalement, dans une sorte d’enthousiasme
extraordinaire, les bras étendus vers Mme Thérèse, et les joues
rouges jusqu’à la nuque, il lui proposa de monter avec elle sur son
traîneau et de la conduire dans la haute montagne chez un bûcheron
de ses amis, où elle serait en sûreté ; il lui tenait les deux
mains et disait :
    – Partons… allons-nous en… vous serez
très bien chez le vieux Ganglof… C’est un homme qui m’est tout
dévoué… Je les ai sauvés, lui et son fils… ils vous cacheront… Les
Prussiens n’iront pas vous chercher dans les gorges du
Lauterfelz !
    Mais Mme Thérèse refusa, disant que si
les Prussiens ne la trouvaient pas à Anstatt, ils arrêteraient
l’oncle à sa place, et qu’elle aimait mieux risquer de périr de
fatigue et de froid sur la grande route que d’exposer à un tel
malheur l’homme qui l’avait sauvée d’entre les morts.
    Elle dit cela d’une voix très ferme, mais
l’oncle ne tenait plus compte alors de semblables raisons. Je me
rappelle que ce qui l’ennuyait le plus, c’était de voir partir
Mme Thérèse avec des hommes barbares, des sauvages venus du
fond de la Poméranie ; il ne pouvait supporter cette idée et
s’écriait :
    – Vous êtes faible… vous êtes encore
malade… Ces Prussiens ne respectent rien… c’est une race pleine de
jactance et de brutalité… Vous ne savez pas comment ils traitent
leurs prisonniers… je l’ai vu, moi… c’est une honte pour mon pays…
J’aurais voulu le cacher, mais il faut que je l’avoue
maintenant : c’est affreux !
    – Sans doute, monsieur Jacob, répondit-elle,
je connais cela par d’anciens prisonniers de mon bataillon :
nous marcherons deux à deux, quatre à quatre, tristes, quelquefois
sans pain, souvent brutalisés et pressés par l’escorte. Mais les
gens de la campagne sont bons chez vous, ce sont de braves gens…
ils ont de la pitié… et les Français sont gais, monsieur le
docteur… il n’y aura que la route de pénible et encore je trouverai
dix, vingt de mes camarades pour porter mon petit paquet : les
Français ont des égards pour les femmes. Je vois cela d’avance,
fit-elle en souriant toute mélancolique, un d’entre nous marchera
devant en chantant un vieil air de l’Auvergne pour marquer le pas,
ou bien un air plus joyeux de la Provence, pour éclaircir votre
ciel gris ; nous ne serons pas aussi malheureux que vous
pensez, monsieur Jacob.
    Elle parlait ainsi doucement, la voix un peu
tremblante, et à mesure qu’elle parlait je la voyais avec son petit
paquet dans la file des prisonniers, et mon cœur se fendait.
Oh ! c’est alors que je sentis combien nous l’aimions, combien
cela nous faisait de peine d’être forcés de la voir partir ;
car tout à coup je me pris à fondre en larmes, et l’oncle,
s’asseyant en face de son secrétaire, les deux mains sur sa figure,
resta dans le silence ; mais de grosses larmes coulaient
lentement jusque sur son poignet. Mme Thérèse elle-même,
voyant ces choses, ne put se défendre de sangloter ; elle me
prenait dans ses bras doucement, et me donnait de gros baisers en
me disant :
    – Ne pleure pas, Fritzel, ne pleure pas
ainsi… Vous penserez quelquefois à moi, n’est-ce pas ? Moi, je
ne vous oublierai jamais !
    Scipio seul restait calme, se promenant autour
du fourneau, et nous regardant sans rien comprendre à notre
chagrin.
    Ce ne fut que vers dix heures, lorsque nous
entendîmes Lisbeth allumer du feu dans la cuisine, que nous
reprîmes un peu de calme.
    Alors l’oncle, se mouchant avec force,
dit :
    – Madame Thérèse, vous partirez, puisque
vous voulez partir absolument ; mais il m’est impossible de
consentir à ce que ces Prussiens viennent vous prendre ici comme
une voleuse, et vous emmènent au milieu de tout le village. Si
l’une de ces brutes vous adressait une parole dure ou insolente, je
m’oublierais… car maintenant ma patience est à bout… je le sens, je
serais capable de me porter à quelque grande extrémité.
Permettez-moi donc de vous conduire moi-même à Kaiserslautern avant
que ces gens n’arrivent. Nous partirons de grand matin, vers quatre
ou cinq heures, sur mon traîneau ; nous prendrons les chemins
de traverse, et à midi au plus tard nous serons là-bas. Y
consentez-vous ?
    – Oh ! monsieur Jacob, comment
pourrais-je refuser cette dernière marque de votre affection ?
dit-elle tout attendrie. J’accepte

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