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Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Titel: Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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son vieux
camarade. Ce jour-là, notre petite salle, si paisible, fut le
théâtre d’un terrible orage, et je doute que, depuis les premiers
temps de sa fondation, elle en eût vu de semblable. L’oncle
accusait Feuerbach d’être un égoïste, prêt à fléchir la tête sous
l’arrogance des Prussiens, qui traitaient le Palatinat et le
Hundsrück en pays conquis ; il s’écriait qu’il existait des
lois à Mayence, à Trêves, à Spire, aussi bien qu’en France ;
que Mme Thérèse avait été laissée pour morte par les
Autrichiens ; qu’on n’avait pas le droit de réclamer les
personnes et les choses abandonnées ; qu’elle était
libre ; qu’il ne souffrirait pas qu’on mît la main sur
elle ; qu’il protesterait ; qu’il avait pour ami le
jurisconsulte Pfeffel, de Heidelberg ; qu’il écrirait, qu’il
se défendrait, qu’il remuerait le ciel et la terre ; qu’on
verrait si Jacob Wagner se laisserait mener de la sorte ;
qu’on serait étonné de ce qu’un homme paisible était capable de
faire pour la justice et le droit.
    En disant ces choses, il allait et venait, il
avait les cheveux ébouriffés ; il mêlait toutes les anciennes
ordonnances qui lui revenaient en mémoire, et les récitait en
latin. Il parlait aussi de certaines sentences des droits de
l’homme qu’il venait de lire, et de temps en temps il s’arrêtait,
appuyant le pied à terre avec force, en pliant le genou, et
s’écriant :
    – Je suis sur les fondements du droit,
sur les bases d’airain de nos anciennes chartes. Que les Prussiens
arrivent… qu’ils arrivent ! Cette femme est à moi, je l’ai
recueillie et sauvée : « La chose abandonnée,
res
derelicta est res publica, res vulgata
. »
    Je ne sais pas où il avait appris tout
cela ; c’est peut-être à l’Université de Heidelberg, en
entendant discuter ses camarades entre eux. Mais alors toutes ces
vieilles rubriques lui passaient par la tête, et il avait l’air de
répondre à dix personnes qui l’attaquaient.
    Mme Thérèse, pendant ce temps, était
calme, sa longue figure maigre semblait rêveuse ; les
citations de l’oncle l’étonnaient sans doute, mais voyant les
choses clairement, comme d’habitude, elle comprenait sa position
véritable. Ce n’est qu’au bout d’une grande demi-heure, lorsque
l’oncle ouvrit son secrétaire, et qu’il s’assit pour écrire au
jurisconsulte Pfeffel, qu’elle lui posa doucement la main sur
l’épaule, et lui dit avec attendrissement :
    – N’écrivez pas, monsieur Jacob, c’est
inutile : avant que votre lettre n’arrive, je serai déjà
loin.
    L’oncle la regardait alors tout pâle.
    – Vous voulez donc partir ? fit-il
les joues tremblantes.
    – Je suis prisonnière, dit-elle, je
savais cela ; mon seul espoir était que les Républicains
reviendraient à la charge, et qu’ils me délivreraient en marchant
sur Landau ; mais puisqu’il en est autrement, il faut que je
parte.
    – Vous voulez partir ! répéta
l’oncle d’un ton désespéré.
    – Oui, monsieur le docteur, je veux
partir pour vous épargner de grands chagrins ; vous êtes trop
bon, trop généreux pour comprendre les dures lois de la
guerre : vous ne voyez que la justice ! Mais en temps de
guerre, la justice n’est rien, la force est tout. Les Prussiens
sont vainqueurs, ils arrivent, ils m’emmèneront parce que c’est
leur consigne. Les soldats ne connaissent que leur consigne :
la loi, la vie, l’honneur, la raison des gens ne sont rien ;
leur consigne passe avant tout.
    L’oncle, renversé dans son fauteuil, ses gros
yeux pleins de larmes, ne savait que répondre ; seulement il
avait pris la main de Mme Thérèse et la serrait avec une
émotion extraordinaire ; puis, se relevant, la face toute
bouleversée, il se remit à marcher, en vouant les oppresseurs du
genre humain à l’exécration des siècles futurs, en maudissant
Richter et tous les gueux de son espèce, et déclarant d’une voix de
tonnerre que les Républicains avaient raison de se défendre, que
leur cause était juste, qu’il le voyait maintenant, et que toutes
les vieilles lois, les vieux fatras des ordonnances, des règlements
et des chartes de toutes sortes n’avaient jamais profité qu’aux
nobles et aux moines contre les pauvres gens. Ses joues se
gonflaient, il trébuchait, il ne parlait plus, il
bredouillait ; il disait que tout devait être aboli de fond en
comble, que le règne du courage et de la

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