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Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Titel: Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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de gueux, de véritables
bandits ! Venir attaquer une honnête femme ? Si les
hommes avaient pour deux liards de cœur, est-ce qu’ils
souffriraient ça ?
    – Et que ferais-tu ? lui demanda
l’oncle, dont la face se ranimait, car l’indignation de la vieille
lui faisait plaisir intérieurement.
    – Moi, je chargerais mes
kougelreiter
[7] s’écria
Lisbeth, je leur dirais par la fenêtre : « Passez votre
chemin, bandits ! n’entrez pas, ou gare ! » Et le
premier qui dépasserait la porte, je l’étendrais raide. Oh !
les gueux !
    – Oui, oui, fit l’oncle, voilà comment on
devrait recevoir des gens pareils ; mais nous ne sommes pas
les plus forts.
    Puis il se remit à marcher, et Lisbeth, toute
tremblante, plaça les couverts.
    Mme Thérèse ne disait rien.
    La table mise, nous dînâmes tout rêveurs. Ce
n’est qu’à la fin, lorsque l’oncle alla chercher une vieille
bouteille de bourgogne à la cave, et que rentrant il s’écria
tristement :
    – Réjouissons un peu nos cœurs, et
fortifions-nous contre ces grands chagrins qui nous accablent.
Qu’avant votre départ, madame Thérèse, ce vieux vin qui vous a
rendu la force, et qui nous a tous égayés un jour de bonheur,
brille encore au milieu de nous, comme un rayon de soleil, et
dissipe quelques instants les nuages qui nous entourent.
    Ce n’est qu’au moment où d’une voix ferme, il
dit cela, que nous sentîmes renaître un peu notre courage.
    Mais quelques instants après, lorsque,
s’adressant à Lisbeth, il lui dit de chercher un verre pour
trinquer avec Mme Thérèse, et que la pauvre vieille se mit à
fondre en larmes, le tablier sur la figure, alors notre fermeté
disparut, et tous ensemble nous nous mîmes à sangloter comme des
malheureux.
    – Oui, oui, disait l’oncle, nous avons eu
du bonheur ensemble… voilà l’histoire humaine : les instants
de joie passent vite et la douleur dure longtemps. Celui qui nous
regarde là-haut sait pourtant que nous ne méritons pas de souffrir
ainsi, que des êtres méchants nous ont désolés ; mais il sait
aussi que la force, la vraie force est dans sa main, et qu’il
pourra nous rendre heureux dès qu’il le voudra. C’est pour cela
qu’il permet ces iniquités, car il a confiance dans la réparation.
Soyons donc calmes et fions-nous en lui. – À la santé de
Mme Thérèse !
    Et nous bûmes tous, les joues couvertes de
larmes.
    Lisbeth, en entendant parler de la puissance
de Dieu, s’était un peu calmée, car elle avait des sentiments
pieux, et pensa que les choses devaient être ainsi, pour le plus
grand bien de tous dans la vie éternelle, mais elle n’en continua
pas moins à maudire les Prussiens du fond de l’âme, et tous ceux
qui leur ressemblaient.
    Après dîner, l’oncle recommanda surtout à la
vieille servante de ne pas répandre le bruit de ces événements au
village, sans quoi Richter et tous les gueux d’Anstatt seraient là
le lendemain de bonne heure pour voir le départ de Mme Thérèse
et jouir de notre humiliation. Elle le comprit très bien, et lui
promit de modérer sa langue. Puis l’oncle sortit pour aller voir le
mauser.
    Toute cette après-midi, je ne quittai pas la
maison. Mme Thérèse continua ses préparatifs de départ ;
Lisbeth l’aidait et voulait fourrer dans son sac une foule de
choses inutiles, disant qu’il faut de tout en route, qu’on est
content de trouver ce qu’on a mis dans un coin, qu’étant un jour
allée à Pirmasens, elle avait bien regretté son peigne et ses
tresses à rubans.
    Mme Thérèse souriait.
    – Non, Lisbeth, disait-elle, songez donc
que je ne voyagerai pas en voiture, et que tout cela sera sur mon
dos : trois bonnes chemises, trois mouchoirs, deux paires de
souliers et quelques paires de bas suffisent. À toutes les haltes,
on s’arrête une heure ou deux près de la fontaine ; on fait la
lessive. Vous ne connaissez pas la lessive des soldats ? Mon
Dieu, que de fois je l’ai faite ! Nous autres Français, nous
aimons à être propres, et nous le sommes toujours avec notre petit
paquet.
    Elle paraissait de bonne humeur, et seulement
lorsqu’elle adressait de temps en temps à Scipio quelques paroles
amicales, sa voix devenait toute mélancolique ; je ne savais
pas pourquoi ; mais je le sus plus tard, lorsque l’oncle
revint.
    La journée s’avançait ; sur les quatre
heures, la nuit commençait à se faire ; en ce moment, tout
était prêt, le sac renfermant les effets

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